• Grivèleries

    1) Tout le monde, de tous les partis, semble bien réglé pour s'indigner qu'une question de vie privée puisse provoquer le retrait d'une candidature et hurler contre l'"américanisation" de la vie politique en France dont le malheureux Griveaux serait victime.

    C'est curieux. Personne à ma connaissance n'a publiquement demandé le retrait de Griveaux. C'est Griveaux lui-même (ou du moins ceux qui en tirent les ficelles s'il est vrai que ça n'a pas été aussi spontané qu'on le dit) qui a décidé d'annoncer que puisque la photo de sa bite se baladait sur internet, il renonçait noblement, tout en pleurant qu'il était une malheureuse victime.
    S'il y a un américanisateur, c'est lui, éventuellement aussi qui tire ses ficelles.

    2) On peut également s'interroger sur cette notion de "vie privée" si unanimement brandie, ce qui permet ensuite de réciter des fiches depuis longtemps établies à tant d'autres propos.
    On conviendra aisément que le fait que Griveaux se soit tripoté tel jour à telle heure relève de sa vie privée, que ce sont des choses qui arrivent dans les meilleures familles, et qu'il est très moche qu'une video en ait atterri sur internet.
    On ne s'étonnera pas moins que tout le monde, à force de hurler son indignation, semble avoir oublié que, d'après la version communément admise, c'était une idée à lui. Autant qu'on puisse le savoir, c'est lui qui a filmé son instrument en pleine activité, lui qui a envoyé via internet le résultat à une dame (Question intéressante pour juriste sérieux, s'il en est: peut-on porter atteinte à sa propre vie privée ? Si oui, doit-on en être puni, et comment ?)
    Du temps où il y avait un droit en France, il posait qu'un courrier était la propriété de son destinataire (uti et abuti, donc). On y a mis récemment des restrictions. On hésitera cependant, dans le cas précis, à invoquer une propriété intellectuelle ou artistique pour la chose en question. On n'est évidemment pas dans le cas du malheureux filmé à son insu par un tiers: il était autant qu'on le sache, seul, et s'est filmé lui-même. On est encore moins dans le cas que certains appellent curieusement revenge porn, d'autant plus curieusement quand il s'agit d'ennemis déterminés de l'américanisation, de deux personnes d'accord pour filmer leurs ébats, mais dont l'un diffuse ensuite le résultat contre la volonté se l'autre. Il a filmé et diffusé.
    Même si la légalité des poursuites était établie par un article du code récent et mal rédigé (c'est hélas à peu près un pléonasme) adopté dans le but de réprimer l'ainsi dit "revenge porn", on ne pourrait que s'interroger sur leur opportunité.
    S'il est vraiment possible, après avoir exhibé sa bite sur internet, de se plaindre qu'il y ait eu des gens pour la regarder, et de les traîner pour cela en justice, on n'a pas fini de rigoler, ou de pleurer.

     

    3) Cette histoire est tellement absurde qu'il est difficile de penser qu'il n'y a pas un truc. J'ai pu mettre un œil (j'ai dit: un œil) sur l'objet du délit, apparemment juste avant sa disparition. Ce n'est vraiment pas grand-chose. Une video de quelques secondes montrant un zob en activité, dont on nous dit qu'il est le sien (ce qu'il n'a pas démenti). Une conversation écrite bébête avec une fillette (qui, aux dernières nouvelles, n'en était pas une, si c'est bien elle), sans rien de torride ni même précisément sexuel (Certes, il est écrit "je vais me toucher", mais c'est apparemment une faute de frappe, qu'il rectifie à la ligne suivante).
    C'est assez ridicule, et c'est une belle preuve d'immaturité. Mais ni le ridicule, ni l'immaturité ne sont, dans le cadre du parlementarisme rationalisé accompli, des obstacles à une carrière politique (L'exemple vient de haut).
    D'ailleurs, à tout prendre, ses photos tout à fait officielles en train de faire des galipettes avec ses colistiers me semblent bien plus ridicules encore.
    Il faut donc qu'il y ait eu une autre raison au retrait de sa candidature.
    Mais qui peut bien avoir eu envie d'abattre un personnage aussi insignifiant que Griveaux, dont la candidature grotesque arrangeait finalement tout le monde ?
    A Hidalgo, elle garantissait à peu près sa réélection avec 25% des voix.
    A Macron, elle offrait un coupable idéal pour expliquer une défaite inéluctable.
    A la droite, elle offrait une deuxième place tout à fait inespérée, et la conservation de ses arrondissements.
    A Villani le rôle du dissident courageux qui fait presque jeu égal avec l'officiel (alors qu'il risque désormais d'être jugé en tant que macroniste le mieux placé).
    Je vois qu'il y a un truc, mais je ne vois pas le truc.

    Bellegarde, 18 février 2020.

     

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