• Souvenir des "élections" "européennes", il y a dix ans

     Le bruit court dans certains milieux qu'il y aurait des élections dans deux mois. Je n'en crois rien. Mais je saisis l'occasion d'exhumer un texte que j'avais écrit il y a dix ans à un moment où courait un bruit semblable. Il y aurait peut-être quelques noms et quelques dates à changer mais, pour le reste, il me semble toujours d'actualité.

     

     

    Européennes du 7 juin :


    REFUSONS DE VOTER !
    Un acte de lutte, un geste de résistance !

     

    La crise que nous vivons est une crise du modèle économique et social que l’Union européenne impose

    La prétendue " concurrence libre et non faussée ", en interdisant toute mesure de protection et d’encadrement, met en fait en rivalité non des produits, mais des systèmes sociaux. Elle pousse donc les salaires et la protection sociale à la baisse, crée le chômage massif dans certains pays, la surexploitation dans d’autres, la pauvreté partout. Dans un seul but : augmenter les profits faits par le capital aux dépens du travail.

    La crise a, on le sait, été provoquée par l’explosion du surendettement. Cet endettement était le moyen, pour le capital, de maintenir la consommation, sans laquelle il n’y a pas de profit, dans un contexte d’appauvrissement par la baisse des salaires. Quand il est devenu insupportable, tout le système s’est effondré. Du fait de l’imbrication des capitaux au niveau mondial, la crise, partie des USA, s’est étendue au monde entier en un temps record.

    Rien de tout cela n’était fatal. La transformation de l’économie mondiale en un gigantesque château de cartes a été un choix du capital pour augmenter ses profits, un choix imposé depuis les USA avec la complicité des capitalistes de tous les pays concernés. Pour la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie… le moyen d’en arriver là s’est appelé la construction européenne, qui a été inventée et développée pour cela : imposer aux peuples de l’extérieur ce qu’aucun d’eux n’aurait accepté de son propre gouvernement.

    L’appartenance à l’UE, et surtout à la zone Euro,
    est un facteur aggravant de la crise

    La concurrence ne s’exerce pas seulement entre les systèmes sociaux, mais aussi entre les monnaies. Un salaire payé en monnaie forte revient plus cher qu’un salaire à pouvoir d’achat équivalent dans un pays à monnaie faible. Inversement, le même produit rapporte plus quand il est vendu dans un pays à monnaie forte. Le capital a donc intérêt à produire là où la monnaie est faible pour vendre là où elle est forte. C’est un aspect essentiel, rarement évoqué, des délocalisations.

    Dans un contexte de crise, cette concurrence s’aggrave. Aujourd’hui, presque tous les pays qui en ont gardé le contrôle poussent, logiquement, leur monnaie à la baisse. Il ne s’agit pas seulement des USA, de la Chine et du Japon, mais aussi de pays membres de l’UE. Car l’Euro n’est pas la monnaie de l’Union, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire : près de la moitié des pays membres, dont le Royaume-Uni, la Pologne, la République tchèque, ont gardé leur monnaie nationale… et la font baisser. Ceux qui ont adopté l’Euro, soumis à une monnaie nécessairement forte, échappant à tout contrôle gouvernemental ou parlementaire, sont donc encore plus fortement désavantagés qu’avant la crise.

    D’autre part, l’UE ôte aux gouvernements nationaux toute possibilité réelle d’intervention. Les gesticulations de Sarkozy, les contre propositions tout aussi ridicules du PS, n’y font rien : l’État ne peut intervenir efficacement dans l’économie sans violer les traités. Il ne peut être non plus question de politique douanière. Alors que d’autres pays s’affranchissent marginalement et provisoirement de certains dogmes libéraux pour limiter les dégâts, l’appartenance à l’UE condamne la France à s’enfoncer toujours plus.

    La solution : combattre le capital, donc rompre avec l’UE

    C’est le capitalisme qui crée la crise. Pour sortir de la crise, il faut limiter le poids du capital sur l’économie et, à terme, l’abolir. Cela implique trois choses :

    1) Augmenter les salaires. À court terme, c’est un moyen de réduire les difficultés des salariés, principales victimes de la crise du capital. Mais c’est bien plus que cela : en augmentant les salaires, on limite la part des profits, on réduit l’exploitation. Plus d’argent produit par le travail dirigé vers la satisfaction des besoins des travailleurs, moins vers le profit et la spéculation, c’est en soi une politique anti crise.

    2) Augmenter, aussi, la part socialisée des salaires, faussement appelée " charges ". C’est le moyen de financer le système de santé, l’ indemnisation du chômage et les retraites en échappant totalement au capital. C’est pour cela qu’il travaille à la détruire, et y a largement réussi. C’est pour cela qu’il faut rétablir le système tel qu’il a été conçu à la Libération, , qui a prouvé son efficacité, en portant les cotisations au niveau nécessaire, et le développer encore.

    3) Faire reculer le poids du capital dans l’économie par le développement d’un secteur public et nationalisé géré dans l’intérêt de la collectivité, non pour le profit à court terme. Plutôt que de mettre de l’argent à fonds perdus dans des entreprises privées, de renflouer les banques, ce qui entretient la spéculation, la collectivité doit se substituer au capital défaillant pour produire.

    Rien de tout cela n’est possible dans le cadre de l’UE, lié à celui du libre échangisme mondial : toute tentative d’augmentation, ou même seulement de maintien, des salaires conduit à des délocalisations, à l’extérieur ou à l’intérieur de l’Union. C’est donc avec ce cadre qu’il faut en finir, dans l’intérêt du peuple français et de tous les peuples auxquels il a été imposé.

    Dans ce contexte, les élections européennes du 7 juin
    sont la pire des impostures

    Un point est clair : les organisations politiques de tous bords ont bien compris que le peuple français identifiait, justement, l’UE comme la cause principale de tous ses maux. C’est pourquoi elles se présentent toutes à nous en expliquant qu’il faut " changer l’Europe ", ce qui est assez drôle quand il s’agit de l’UMP et du PS qui ont élaboré et ratifié ensemble tous les traités, dernièrement le prétendument simplifié de Lisbonne en bafouant notre vote du 29 mai 2005. Aucune des listes en présence n’envisage de rompre avec l’UE. Toutes insistent sur l’importance du " parlement " européen comme composante la plus démocratique de ses institutions, celle où les peuples peuvent se faire entendre.

    C’est un affreux mensonge, commun à tous les candidats, qui porte la négation de ce qu’est véritablement la démocratie, le gouvernement par le peuple, dans l’intérêt du peuple. Ce n’est pas parce que les dominants posent des urnes et invitent les citoyens à les remplir qu’il y a démocratie. C’est ce que font les occupants américains dans les pays qu’ils ont bombardés et envahis, en Irak, en Afghanistan, pour faire élire des gouvernements fantoches à leur service. Ces gouvernements ont exactement la même légitimité que le prétendu parlement européen.

    La démocratie suppose que le peuple choisisse librement, après avoir librement débattu. Que s’il délègue son pouvoir à des représentants, il exerce sur eux un contrôle

    On nous convoque là pour élire de prétendus députés, après un débat sur des clivages politiciens nationaux (en gros : pour ou contre Sarkozy), qui, une fois élus, iront siéger avec d’autres élus dans les autres pays à l’issue de débats totalement différents. Le résultat se déduit de toutes les mandatures précédentes : ceux qui, dans leurs pays, jouent à être la droite et la gauche, tour à tour la majorité et l’opposition, se retrouvent ensemble, à Bruxelles et à Strasbourg, loin du regard de leurs électeurs… pour voter à des majorités écrasantes ce que veulent les gouvernements et la commission, ce dont les peuples ne voudraient pas s’ils étaient consultés. Dire qu’on démocratise l’UE en renforçant les pouvoirs de ce " parlement " est une manière particulièrement grossière de se moquer du monde.

    Cela n’est pas réformable. Ce ne sont pas les modes d’élection et de fonctionnement du " parlement " qui sont en cause, mais l’idée même qu’il puisse y avoir un parlement européen, une démocratie européenne. Pour une raison simple : on ne peut envisager de démocratie que dans un espace de débat commun, et reconnu. Les nations historiquement constituées offrent cet espace. Il ne peut en exister au niveau européen, ne serait ce que pour des raisons de langues. Des nations souveraines, gouvernées démocratiquement, peuvent et doivent coopérer dans leur intérêt mutuel. Un " parlement " supra national, coupé de toute réalité, ne peut que bafouer les intérêts de tous les peuples qu’il prétend représenter.

    Le caractère anti démocratique de l’Union européenne ne résulte pas d’une dérive : il ne peut y avoir d’Europe démocratique

    C’est pourquoi le capital a lancé il y a soixante ans, et constamment soutenu, le mot d’ordre de construction européenne. Parce qu’il y a incompatibilité entre le capitalisme, qui écrase les intérêts du plus grand nombre au profit d’une minorité de plus en plus réduite, et la démocratie, le capital a eu besoin de créer et de développer un espace de décision échappant au débat démocratique. Le comble du cynisme et de l’imposture est de l’avoir doté en 1979 d’un pseudo parlement élu, et d’avoir ensuite prétendu, à chaque traité dépossédant davantage les peuples, augmenter ses pouvoirs.

     

    À l’heure qu’il est, nous demander de voter pour élire un tel " parlement " est une insulte

    Pour les travailleurs de France, face au capital et à sa crise, l’heure est à la mobilisation. Le 29 janvier, le 19 mars, le 1er mai, nous avons été des millions en grève et dans la rue pour exiger la rupture avec les politiques qui ont conduit à la crise.Nous nous trouvons face à un gouvernement incapable de nous entendre, mais décidé à persévérer, contre la volonté du peuple, à faire la politique du capital, en prenant appui sur les " contraintes européennes ", qui ont été créées pour cela.

    Quand ce gouvernement, et sa prétendue opposition, nous invitent à aller voter pour conforter ces institutions anti démocratiques, la seule réponse juste est le refus de vote. C’est au taux d’abstention qu’on mesurera le 7 juin au soir le rejet par les peuples prisonniers de l’UE de la soumission au capital, certainement pas au score des listes (toutes !) prétendant vouloir " changer l’Europe ".

    Qui se souvient du résultat des élections précédentes, en 2004 ? Il n’avait rien changé. En revanche, ce qui avait marqué, c’étaient les taux d’abstention massifs dans tous les pays. 57% en France, ce qui annonçait et préparait la victoire du non (avec une forte participation, 70% !) un an plus tard. Plus encore dans les pays d’Europe centrale (78% en Pologne) qui venaient d’adhérer, ce qui a fait voler en éclat le mensonge de leur enthousiasme pour l’ " Europe " et montré que, comme nous, ils la subissaient malgré eux.

    Quand le suffrage universel est à ce point truqué, bafoué, parodié, c’est l’abstention qui devient un devoir civique

    C’est notre attachement au suffrage universel véritable qui nous pousse à lancer cet appel à refuser de donner une caution populaire à une consultation visant à désigner des représentants pour un parlement institué justement pour contrecarrer et mépriser ce suffrage universel dans les cadres nationaux.

    C’est par un refus massif de voter que le peuple français peut exprimer le 7 juin son rejet d’institutions qui, quoi qu’il vote, n’agiront que pour aggraver la crise et faire payer sa facture aux travailleurs. C’est ce refus qui prolongera nos luttes et annoncera l’insurrection du pays réel contre l’Europe légale, notre détermination à combattre pour une véritable démocratie.

     26 mai 2009.

    Pour commenter, c'est ici, sur Facebook.