• Ce matin sur France-Info, lamentations contre "les Français" qui ne respectent pas le confinement, appuyées par des reportages de journalistes qui se promènent dans la rue en tendant leurs micros (ça, c'est du "déplacement indispensable", coco).

    Et on se demande gravement s'il ne faudrait pas augmenter les amendes.
    Augmenter les amendes ! Ont-ils la moindre idée, ces journalistes, ces ministres, ces haut-fonctionnaires, tous ces connards gavés d'argent public, de ce que peut représenter une amende de 90 000 balles (précision pour les plus jeunes: 900 francs Pinay) sur le budget d'un travailleur moyen, d'un retraité, d'un chômeur ? (plus de deux jours de revenu médian, de trois jours de SMIC, d'une semaine de RSA).
     
    On rappelle à tous les imbéciles qui n'auraient pas encore compris que cette amende ne punit pas les méchants irresponsables qui contribuent à augmenter le danger en se déplaçant inutilement, mais tous ceux (ça fait beaucoup plus, et ça ne fait pas, loin de là, tous les méchants sus-cités) qui n'ont pas tout compris au fonctionnement de l'attestation à la con qui ne prouve rien du connard Castaner.
     
    La situation est :
    1) Le risque de se faire contrôler est très faible, et pratiquement nul quand on n'a pas à passer par des endroits très fréquentés aux heures d'affluence.
    2) Si par malchance on croise un flic, on est pratiquement sûr de se faire assommer par une amende d'un montant scandaleux. Le risque est bien sûr bien plus grand quand on est de bonne foi, parce qu'alors on ne se méfie pas.
    "Je promène mon chien, Monsieur l'Agent. Je fais le tour du pâté de maison et je rentre" Boum
    "Je prend l'air devant ma porte. Macron, dans le poste, il a dit que c'était permis" Boum
    "Je n'ai pas d'ordinateur. A la radio ils ont dit qu'on pouvait faire l'attestation sur papier libre. La voici. Il fallait la date ?" Boum.
    "Je reviens du travail. Voyez l'attestation de mon employeur" Boum
    Le cas le plus abominable est bien sûr celui des travailleurs de la Santé qui se sont fait racketter (ça fait combien, 90 000 balles, sur le salaire d'une infirmière ?) parce qu'ils allaient à l'hôpital avec une attestation professionnelle sans le truc à la con qui ne prouve rien du connard Castaner. Selon La Voix du Nord, "Contactée, la police assume ces verbalisations et rappelle la réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus." J'ai écrit hier, et je répète, que dans un tel cas, parler seulement de pendaisons en place publique serait faire preuve d'une scandaleuse modération.
     
    Ça n'a rien de dissuasif, bien au contraire, puisque, qu'on respecte ou non l'interdiction des déplacements non indispensables, on ne peut compter que sur sa chance pour échapper au racket.
     
    Si on avait vraiment voulu contrôler efficacement la limitation des déplacements, on n'aurait pas inventé l'attestation à la con qui ne prouve rien, on aurait simplement dit fermement que toute personne se trouvant hors de chez elle devait sur interpellation d'un flic, de la distance règlementaire bien sûr (personne ne semble non plus avoir remarqué que l'obligation de remettre un papier idiot créait un risque supplémentaire parfaitement inutile. On considère sans doute que le virus, respectueux des grands principes républicains, ne saurait utiliser notre belle police comme vecteur), pouvoir dire pourquoi elle est là, d'où elle vient, où elle va, pendant combien de temps, sous peine de s'exposer à des ennuis sérieux. Sérieux, mais pas exorbitants, sauf en cas de récidive.
     
    Il aurait fallu aussi, bien sûr, plutôt que faire se déplacer les flics en horde cherchant des occasions de faire du chiffre, les répartir de façon qu'on reste rarement longtemps sans en croiser un. Avoir la quasi certitude qu'en cas d'infraction on paiera une amende de quelques milliers de francs (pour les plus jeunes: dizaines de francs Pinay) est beaucoup plus dissuasif (et moins odieux) qu'un risque très faible d'être taxé d'une somme folle (surtout si c'est même sans infraction réelle).
     
    Mais voulait-on vraiment être efficace ?
     
    Des fers, des bourreaux, des supplices.
     
    Bellegarde, 20 mars 2020
     
    Pour commenter, c'est ici, sur Facebook
     
     

     

     

  • ConfinementNous avons bien rigolé, et rigolerons certainement encore, tant que Dieu nous prêtera vie, car c'est probablement ce qu'il y a de mieux à faire. Il peut cependant n'être pas inutile d'envisager aussi, à titre exceptionnel (et dans les conditions prévues par le décret machin) la situation avec un peu de sérieux. Essayons.

    1) Préliminaire: il est clair que ce n'est pas le moment de jouer au cosaque. Il faut évidemment faire ce qu'on nous ordonne (enfin), pour l'essentiel parce que c'est manifestement raisonnable et probablement, au point où on nous a menés, nécessaire, pour l'accessoire, qui est parfaitement crétin (j'y viendrai) pour éviter de devoir contribuer au renflouement des banques en payant des amendes monstrueuses.

    Mais ça ne doit pas empêcher de réfléchir, pour le présent, pour comprendre ce qui nous arrive, pour l'avenir, dans l'espoir qu'on en tire (enfin aussi) les conclusions qui auraient dues être tirées depuis longtemps.

    2) Il y a une aberration, le contraste absolu, alors que la situation sanitaire évolue de façon continue, et qui était largement prévisible ne serait ce que par l'exemple italien, entre le discours rassurant tenu jusqu'à il y a quelques jours de tous lieux officiels et officieux, et les mesures radicales qu'on nous impose aujourd'hui, accompagnées d'un discours délibérément panicard.

    ConfinementOn nous présente comme une évidence un "confinement" presque total, décidé du jour au lendemain, après avoir dénoncé fièrement les méchants Chinois antidémocrates parce qu'ils faisaient de telles choses, puis brocardé méchamment ces imbéciles d'Italiens qui faisaient n'importe quoi comme les bêtes latins qu'ils étaient.

    Et, bien sûr, on ajoute que c'est de notre faute à nous, méchants irresponsables qui n'avons pas su obéir aux consignes que personne ne nous avait données, comme naguère ceux qui avaient décrété que les Ardennes étaient une montagne infranchissable disaient à nos pères que c'était à cause de leur esprit de jouissance que les Panzers les avaient passées.

    Dimanche, ils ont maintenu les élections municipales, et usé, à coups de grandes valeurs démocratiques, de nos anciens qui sont morts pour que nous ayons le droit de voter, de culpabilisation et d'intimidation (avec un succès partiel, mais significatif) contre qui envisageait de s'abstenir. Et après tout ce n'était pas plus dangereux que d'aller faire ses courses.

    3) Il n'avait jamais été question auparavant de confinement, même pour les zones les plus touchées. Ça aurait probablement ralenti la diffusion du virus. Ça aurait en tout cas permis une expérience partielle (ce qui, sauf erreur de ma part, a été fait en Italie) plutôt qu'un passage soudain du rien au tout, par laquelle on aurait pu étudier puis montrer la possibilité du confinement total, tirer aussi des conclusions pratiques qui auraient évité des sottises (j'ai dit que j'y viendrai). On a considéré que nommer ces zones d'un horrible nom anglais suffisait à terrasser le virus et empêcher sa diffusion. Le plus énorme est que, même là, on n'ait jamais envisagé d'annuler les élections municipales, et qu'elle s'y soient tenues comme ailleurs.

    J'ai déjà observé hier que c'était un effet du gouvernement par les pitres, pour qui tout n'est que posture, et n'avaient, dans un tel cas, que deux postures à leur disposition, la parfaite sérénité et la panique totale, et sont donc passés sans transition de l'une à l'autre. Ce passage ne semble pas avoir été cependant spontané.

    4) Il paraît clair en effet qu'il y a eu, après la monstruosité du maintien des municipales, une sorte de putsch (je ne pense pas que le mot soit trop fort), qu'on sentait venir dans les déclarations de la soirée finalement non électorale (ou très peu), contre ce qui tient lieu de gouvernement, par des médecins-technocrates aux idées clairement, dans ce contexte, liberticides. C'était certainement ce qui pouvait arriver de mieux.

    Malheureusement, les princes qui ne nous gouvernent plus depuis longtemps s'obstinent encore à faire semblant, et s'ils ont accepté de signer des décrets écrits, pour une fois, par des gens déterminés à faire ce qui était utile, ont tenu à venir en causer dans le poste. Il n'est pas certain qu'ils aient tout compris à ce qu'on leur a fait signer. Ils sont, en tout cas, incapables de l'assumer. D'où la trottinette de Sibeth, le jogging de Macron, l'attestation sur l'honneur qu'on a envie de prendre l'air de Castaner. Et donc un discours panicard "Nous sommes en guerre, nous risquons de tous mourir si je ne sauve pas la situation parce que vous avez fait n'importe quoi" conclu à peu près part "et donc, vous faites ce que vous voulez, mais de façon rrrrresponsable, hein !".

    Ça risque quand même de poser un problème de droit: en cas d'infraction supposée, la référence sera-t-elle la parole publique des guignols qui nous envoient faire de la trottinette, ou les petits caractères qu'on trouve sur les sites web officiels des décrets qui sont censés être les leurs ? (Les champions du droit formel diront bien sûr que la réponse est évidente et qu'il n'y a aucun problème. On sait que ces gens là sont plus dangereux que n'importe quel virus)

    5) Il semble (on nous dit tant de choses contradictoires qu'il faut rester prudent) que le moyen le plus efficace, ou le moins inefficace (ce qui est en logique la même chose), de se protéger du virus, tant qu'on n'est pas contaminé, d'en protéger les autres, si on l'est, soit le port d'un masque.

    Il n'est pas question aujourd'hui de l'imposer, ni même de le proposer. La raison invoquée est simple "Y en a pas", etConfinement on réserve les quelques-uns disponibles aux médecins et infirmiers, pour lesquels ils sont déjà, d'après leurs témoignages, en nombre insuffisant.

    C'est ennuyeux.

    Il est regrettable qu'on n'ait pas profité du délai entre la déclaration de l'épidémie en Chine et son arrivée en France pour s'en munir. Il y a quelques semaines, Agnès Buzyn disait que ça ne servait à rien (Nous apprenons aujourd'hui que disant ça le jour, elle pleurait dans son lit toutes les nuits. Ça ne nous console pas).

    Il serait encore plus regrettable qu'on ne fasse aucun effort pour rattraper ce retard, quand il est certain que le confinement devra durer plusieurs semaines.

    Il est vrai qu'il doit être difficile d'en trouver à acheter à l'étranger dans le contexte actuel. Il serait navrant qu'il soit impossible d'en fabriquer rapidement sur la terre de France. Si c'était le cas, ça renverrait à un problème plus ancien, mais dont les coupables sont incontestablement les mêmes.

    Souci annexe: les rares fois où on a consenti à nous parler de masques, c'était pour nous dire que seul le modèle QDZCG56GXW (ou quelque chose comme ça) arrêtait le virus (mais "y en a pas") et que tous les autres étaient inutiles. C'est un peu surprenant. Dans la mesure où on parle de limiter les risques, il semble que porter un masque même moins efficace que le modèle magique pourrait y contribuer, serait mieux que n'en point porter du tout. Ça n'a jamais été envisagé. Est-ce parce que "Y en a pas" non plus ?

    6) L’énorme bêtise, bête au point d’être odieuse, qui est soit le signe que les pitres qui ne nous gouvernent pas continuent à nuire, soit, plus probablement, que les médecins-technocrates peuvent fort bien, dès qu’il ne s’agit plus de médecine à proprement parler, être des pitres aussi bien que les précédents, est bien sûr le coup de l’attestation sur l’honneur. Ce sera le sujet du prochain article, si Dieu me prête vie et persévérance.

    Bellegarde, 17-18 mars 2020.

    Pour commenter, c'est ici, sur Facebook

     


  • On voit bien, dans ces circonstances, le problème de fond: que nous sommes gouvernés par des pitres. Nous nous y étions habitués, même si nous râlions encore un peu pour le principe. Mais dès qu'on sort de la routine, ça devient dramatique.

    Le pitre ne pense pas, jamais. Il lit, ou, dans le meilleur des cas, récite des fiches. Toujours. Il tient ces fiches, qu'il conserve précieusement, de son passage à Sciences-Po.

    Face à un événement imprévu, où il est question de vies et de morts, le pitre a deux fiches. Une, sur le dessus de la pile, qui dit "Même pas peur. Il y a des irresponsables qui prétendent semer la panique. Montrons notre sérénité, et tout ira très bien Madame la Marquise". Quand il constate que tout ne va décidément pas très bien, il passe sans transition à la seconde "C'est horrible. Nous allons tous mourir. Je fais don de ma personne à la France. Je vais vous faire morfler bande de dégénérés irresponsables qui ne comprenez rien à la gravité de la situation".

    Nous y sommes.

    Bellegarde, 16 mars 2020.

    Pour commenter, c'est ici, sur Facebook

     


  • « Le débarquement du 6 juin, ç’a été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne ! Ils avaient préparé leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis.

    C’est exactement ce qui se serait passé si je n’avais pas imposé, oui imposé, mes commissaires de la République, mes préfets, mes sous-préfets, mes comités de libération ! Et vous voudriez que j’aille commémorer leur débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi ! Je veux bien que les choses se passent gracieusement, mais ma place n’est pas là ! »

    De Gaulle, selon A. Peyrefitte, C'était De Gaulle, tome 2, chapitre 14. 

     

    J'avais écrit ça en 2004, pour une précédente commémoration tapageuse du 6 juin 44. J'y ajoute la citation de De Gaulle, etPour ceux qui débarquent, ci-contre, une affiche de propagande américaine de l'époque (Ne perdez pas de temps à y chercher le drapeau français: il n'y est pas).

    Quelques remarques, à l'intention de ceux qui se sentent obligés d'étouffer de reconnaissance.

    Passons sur le pipeau qu'on nous joue actuellement sur le thème "bataille décisive, suspens insoutenable, sort du monde en jeu" alors que les Allemands étaient déjà vaincus à l'Est, pour rappeler quelques faits.

    1) Tous les manuels d'histoire officielle flétrissent l'URSS, qui n'est entrée en guerre que quand les Allemands l'ont attaquée (il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce point, mais ce n'est pas le sujet du jour) le 22 juin 1941.
    Curieusement, ils ne sont pas choqués que les Etats-Unis ne soient entrés en guerre que six mois plus tard, quand leurs colonies du Pacifique ont été attaquées par le Japon, et que leurs premières opérations contre l'Allemagne aient encore attendu un an.

    2) Pendant toutes la décennie précédente, les Etats-Unis s'étaient totalement désintéressés des agressions successives de l'Allemagne de Hitler. J'ai entendu des Américains et de leurs laquais parler de Munich voici un an [En 2003, au moment du refus du gouvernement français de la dernière phase de la guerre contre l'Irak, note de 2019] . Elle est bien bonne !

    3) Il est vrai que, après que Wilson eut imposé à Versailles en 1919 un traité aberrant, le sénat américain a refusé de l'appliquer. Le gouvernement français d'alors n'avait accepté ce traité que contre la garantie des anglo-saxons sur sa frontière de l'Est. Après la non-ratification américaine, les Anglais ont fait savoir qu'ils ne se considéraient plus comme engagés
    Rappelons la réaction de Foch à ce traité "Je sais maintenant que nous aurons la guerre dans vingt ans". [C'était un souvenir de Khâgne. Je n'ai pas retrouvé cette citation. J'ai trouvé la même, de Mangin, en novembre 1918, note de 2019]

    4) Personne n'a encore osé se demander, depuis soixante ans, pourquoi, du moment où ils sont entrés en guerre, les Américains ont traité la population française en ennemie. Ils ont libéré la France comme ils sont en train de libérer l'Irak [en 2004, donc]: par des bombardements massifs sur les populations civiles.

    5) Pourtant, ils ne considéraient pas le pseudo-gouvernement français d'alors comme un ennemi. C'est des USA, et d'un nommé Robert Paxton, qu'est partie la réécriture de l'histoire de France de ces années-là, grâce à laquelle on considère aujourd'hui le gouvernement de Vichy comme ayant eu une politique autonome, contre toute évidence. Mais personne ne dit que Roosevelt, héros de la lutte pour la liberté (au même titre que Reagan et Bush) a maintenu jusqu'au dernier moment son ambassadeur auprès de Pétain (le Maréchal l'a rappelé à son procès).
    Mieux, en JUILLET 44, des émissaires américains négociaient avec Laval pour le maintien du gouvernement, avec juste un changement d'occupant. C'est la Résistance française, extérieure et intérieure, qui a empêché cela en les prenant de vitesse.

    6) Enfin, au milieu des larmes de reconnaissance pour les morts américains venus libérer la France, une petite comparaison chiffrée: la seconde guerre mondiale a fait 300 000 morts américains au total (compris bien sûr ceux qui sont morts dans le Pacifique pour y défendre leur empire colonial). Comme il est interdit de parler des 21 millions de morts soviétiques, nous n'en parlerons pas.
    Il y a eu 610 000 morts français, alors que la France avait en 1939 42 millions d'habitants, les USA 131. Sur ceux-là, 250 000 militaires, 360 000 civils. Ce sont des chiffres qu'on trouve partout. En revanche, on ne
    trouvera pas combien des civils ont été tués par les bombardements anglo-saxons.

    Il semble qu'à l'époque où l'Air Force rasait nos villes pendant que la Wehrmacht brûlait nos villages, il y avait au moins entre elles une alliance objective. Peut-être est-ce la pérennité de cette alliance que Bush et
    Schröder sont venus célébrer ensemble en Normandie. Quant au rôle que joue Chirac, il est facile à identifier.[facile d'actualiser en changeant les noms des pantins]

    Pour commenter, c'est ici, sur Facebook


  • Quelques mots sur les Insoumis, et leurs malheurs récents (Faut-il montrer notre affliction ? Non, nous devons faire preuve de dignité).

    Je suis décidément surpris de voir tant de gens, dont de nombreux amis et camarades, depuis quelques mois et beaucoup plus encore ces jours derniers, opposer la merveilleuse campagne populiste, resplendissante de clarté, de 2017, à la lamentable dérive vers la gauche et l'ambiguïté qui l'a suivie, dont il font la cause de la débâcle.

    Je n'avais pas vu, et l'ai souvent dit, une telle lumière en 2017. J'ai souvent alors dénoncé une accumulation de contradictions, sur l'"Europe" d'abord, mais sur bien d'autres choses encore, d'absurdités contradictoires entre elles, le tout étant couvert par le culte tonitruant de la personnalité du Chef, et l'affirmation que ne pas voter pour Lui était voter Macron ou Le Pen (voire les deux).

    Il était assez logique que ces contradictions éclatassent passée l'exaltation électoraliste et les espoirs (absurdes) de victoire résolvant tous les problèmes du pays d'un coup. Mélenchon n'était pas en 2017 sur une ligne populiste souverainiste parfaite, il n'est pas passé depuis à une ligne écolo-gauchisante eurocompatible: il a constamment joué sur les deux à la fois, de façon ambigüe et nécessairement contradictoire, et a prétendu continuer. Cela l'a conduit, dissipée la bonne odeur des urnes qui masquait le caractère indigeste de la soupe, à faire taire ou exterminer non les tenants d'une ligne pour choisir l'autre, mais tous ceux qui voulaient le forcer à sortir de l'ambiguïté pour affirmer celle qui était la leur, dont leur aveuglement les avait convaincus, dans le vacarme électoral, qu'elle était aussi la sienne exclusive, et qu'il n'évoquait l'autre que pour enfumer ses tenants. La fameux « plan B », objet de tant de regrets, était une invention de la fraction antieuropéiste cohérente des Insoumis. Le Chef ne l’a jamais, à ma connaissance, évoqué que pour dire qu’il ne servirait qu’à ne pas servir puisque le A réussirait miraculeusement, et l’a ouvertement répudié dès avant le premier tour de la présidentielle, dans son discours de Dijon. Désormais, il prône de « sortir des traités »… sans sortir de l’UE, ce qui n’est guère qu’une variation dans la même imposture, certainement pas un grand retournement. Il est somme toute plus navrant qu’étonnant que ceux qui n’ont compris qu’après l’extinction des hologrammes que le Chef était dramatiquement nu en concluent qu’il s’est récemment déshabillé. La lucidité est rarement rétroactive. C’est une ressemblance de plus entre la campagne 2017 de Mélenchon et l’épopée de Chevènement en 2002, dont on croise encore de nombreux nostalgiques déplorant la suite sans vouloir comprendre qu’elle était déjà écrite dans le vide politique total de la campagne.

    Comment expliquer le désastre présent, si la ligne n’a pas changé, et le succès initial, si elle était désastreuse dès l’origine ? Il est clair que certains, qui s’étaient laissé enfumer, ont fini par comprendre, même si, on l’a vu, beaucoup s’obstinent à vouloir croire c’est le Chef qui a changé. La méthode principale « Vote pour nous sans te poser de questions, et tout ira bien » trouve logiquement ses limites quand ceux qui ont ainsi voté constatent que tout ne va décidément pas bien, et sont donc plus difficiles à convaincre de remettre ça. C’était, et ce n’est pas une coïncidence, celle de l’UNEF-ID, qui lui a assuré des décennies de succès. Mais les élections étudiantes ont, sur les élections bourgeoises, cette particularité intéressante que le public visé se renouvelle très largement dans les deux ans qui séparent deux votes, celui susceptible de voter presque totalement, ce qui permet aux bonimenteurs de ne jamais se baigner deux fois dans le même fleuve. Les eaux bourgeoises sont beaucoup plus stagnantes.

    Cela ne me semble pourtant pas être la raison principale du contraste. Les nostalgiques de la pureté populiste de 2017 qui n’a jamais existé font vraisemblablement une deuxième erreur, en attribuant à ce merveilleux populisme le relatif succès d’alors. Un candidat, et ses supporters, ont naturellement tendance à croire que si des électeurs votent pour eux, c’est parce qu’ils ont été convaincus par ce qu’ils racontaient d’adhérer à leur ligne, laquelle prouve ainsi sa justesse. Ce n’est pas toujours le cas : ce peut être seulement qu’ils ont été convaincus par tous les autres de ne pas voter pour eux et que, tenant à voter, il ne leur restait plus que cette possibilité. Mélenchon a largement (mais non totalement) rejeté la notion habituelle de gauche pendant sa campagne de 2017. Il n’en était pas moins, les Verts et le PCF muté  absents, Hamon totalement transparent dans le rôle de candidat d’un PS sortant dont il n’assumait pas le bilan, Macron officiellement devenu centriste, le seul candidat crédible pour un électorat de gauche voulant le rester. Sa position ressemblait beaucoup en cela à celle de Duclos en 1969 quand, Defferre marginalisé par son propre parti, les électeurs de la gauche non communiste soucieux d’un vote efficace ne pouvaient choisir qu’entre le centriste Poher et lui (avec ces différences essentielles bien sûr que la gauche alors ne signifiait pas la même chose, le centre non plus d’ailleurs, et qu’il y avait Pompidou). La situation n’était plus du tout la même cette année, puisque, à une élection à la proportionnelle, et surtout d’une insignifiance si évidente qu’elle ne pouvait pas être autre chose qu’un sondage géant sans question de vote utile, l’offre était abondante, avec des Verts à qui cette insignifiance l’a toujours rendue favorable, un PS libéré d’Hamon et de toutes les personnalités qui auraient pu fâcheusement rappeler la période Hollande-Valls, un Hamon libéré du PS qui a pu donner sa pleine mesure (trois pour cent, c’est beaucoup, quand même), un PCF en pleine glaciation identitaire sans contenu politique qui a ramassé quelques voix. Il est tentant de conclure que Mélenchon n’a pas atteint 19% il y a deux ans grâce à sa stratégie dite populiste, mais malgré elle, et que tous ceux qui avaient voté malgré elle pour le seul candidat de gauche (malgré lui) crédible, sont revenus avec soulagement à leurs habitudes, ne restant que ceux qui étaient convaincus en partie au moins par ce discours.

    Quand les fumées de la bipolarisation Macron Le Pen à 45% des votes exprimés, 23% des électeurs inscrits, se seront dissipées, il apparaîtra probablement que cette élection bidon fut celle du grand retour, après la parenthèse Hollande-Valls qui se sont distingués non pas en faisant une politique de droite (ça n’était pas original) mais en finissant par l’assumer totalement, de la gogôche, celle qui privatise, mais sans le faire exprès, qui encourage les patrons à licencier, mais parce que l’État ne peut pas tout, qui casse les services publics et le droit du travail, mais pour sauver l’emploi, qui est pour l’Europe sociale et ne sacrifie les travailleurs sur l’autel des traités libéraux que parce qu’ils en sont le passage obligé, qui fait la guerre, mais toujours pour la démocratie et le droit et en ne tuant que ceux que de méchants dictateurs utilisent comme boucliers humains, en saupoudrant tout ça opportunément de considérations sur l’ « urgence éclogique ». Ça n’est pas une bonne nouvelle. Mais c’est à peu près fatal.

    L’autre information essentielle que donne cette élection qui n’en est pas une est que le macronisme s’est installé à droite. Électoralement, bien sûr : politiquement, il l’était depuis son origine (et ça n’est toujours pas original). Les macrolatres, dont les pires sont ceux qui commencent par dire qu’ils n’aiment vraiment pas Macron et concluent qu’il faut d’autant plus les croire quand ils avouent que cet enfant est un génie politique, expliquent doctement que l’idole des vieilles triomphe et entame un règne de mille ans, parce qu’après avoir pris à la gauche son électorat au premier tour de la présidentielle, elle prend aujourd’hui celui de la droite. Une seule chose leur a échappé (parmi les nombreux trucs qu’on n’enseigne pas à Sciences-Po, il y a l’arithmétique) : ce nouvel exploit herculéen accompli, Macron se trouve un peu au-dessous de son pourcentage des présidentielles (et très en dessous de celui des législatives), et a perdu à gauche largement ce qu’il avait gagné à droite. La politique de Macron, la frousse provoquée par les « gilets jaunes » et le bonheur de voir ce mouvement sauvagement réprimé rallient autour de lui le bon vieux parti de l’ordre (Hollande et Valls faisaient exactement la même chose. Mais eux étaient « socialistes », et c’était rédhibitoire pour cet électorat. C’est immoral et c’est comme ça) tandis que la gogôche, qui n’a jamais accepté qu’on matraquât ou fusillât les travailleurs que quand c’était pour leur bien, fuit horrifiée. J’avais écrit dans un long pensum sur le clivage droite-gauche il y a quelques mois que le système avait besoin de l’alternance entre une droite et une gauche, et que l’imposture macronienne finirait nécessairement par basculer d’un côté ou de l’autre pour laisser apparaître une opposition appelée à lui succéder[1]. Nous y sommes, un peu plus vite que prévu, et pas dans le sens qui me semblait alors prévisible, les évènements, et aussi la nullité du parti de droite qui change tout le temps de nom, ayant poussé dans l’autre. Macron, installé à droite (mais avec moins de onze pour cent des électeurs) laisse peu d’espoir à une opposition de droite, mais toute sa place à une opposition « de gauche ».

    Faut-il conclure du verdict des urnes que c’est Clémentine Autain qui a raison contre les mélencholatres, qu’il faut continuer à être contre Macron mais en étant gentil avec tout le monde ? La réponse est incontestablement oui, si le but est de devenir ministre d’un gouvernement de la gogôche, qui mènera la même politique exactement que tous ceux qui se sont succédé depuis le premier gouvernement Barre. Il faut effectivement  pour cela enterrer ce qu’il y avait d’original dans la rupture de Mélenchon avec cette gogôche. On se rappellera, avant de trouver que c’est affreusement dommage, que cette rupture était exclusivement de forme, qui substituait aux pleurnicheries les aboiements, mais ne modifiait en rien la ligne politique de fond, puisqu’elle ne portait aucune rupture réelle avec le ralliement de la « gauche » au giscardisme après 1981. Les aboiements étaient très utiles quand il s’agissait de faire élire Macron comme gentil centriste entre une méchante d’extrême-droite et un méchant d’extrême-gauche. Ils deviennent nocifs quand, l’imposture et l’imposteurs épuisés, il s’agit de leur redonner une opposition « de gauche », pour que le cirque continue.

    Il devrait rester l’autre option : agir pour que le cirque s’arrête, que cesse enfin une politique qui va délibérément contre l’intérêt évident d’une immense majorité du peuple français, et enfonce de législature en législature ce malheureux pays dans la ruine. À cette option, les urnes donnent à chaque fois raison, en chassant sans ménagement le clown sortant qui a mené cette politique, et tort, en portant au pouvoir d’État un autre clown de la même farine, dont il est évident, et rapidement confirmé, qu’il la mènera. Il serait parfaitement absurde de le reprocher à ceux qui les remplissent. Dans un système totalement fermé, qui a le monopole de l’offre électorale crédible, et tous les moyens de produire des oppositions qui deviennent ensuite des majorités tout autant à son service, et aux marges des épouvantails inoffensifs comme la famille Le Pen ou le clan Mélenchon, l’électeur n’a que deux possibilités : jouer le jeu de ce système en votant pour ce qu’il propose, ou s’abstenir, ce qui est plus rationnel, mais ne sert à rien non plus. Je ne peux que répéter pour conclure ceci ce que j’ai souvent dit, qu’on ne peut envisager d’alternative qu’en la plaçant, avec toutes les difficultés que cela implique, délibérément en dehors de ce système, en partant de ce qui est juste et en construisant patiemment une force politique capable à terme de le renverser. Ce ne peut être que long : on ne supprime pas facilement des décennies de mensonges. Cela suppose, et c’est certainement, comme tant de tristes expériences l’ont montré pendant ces décennies, le plus difficile, d’accepter que ce soit long, et de ne pas, à chaque fois qu’on sent l’odeur des urnes, se jeter sur un gadget électoral proposé par le système comme solution miraculeuse et instantanée à tous les maux, hier le populisme façon Mélenchon, demain vraisemblablement une nouvelle forme de « gauche » plurielle.

    Bellegarde, 30-31 mai 2019.

    Pour commenter, c'est ici, sur Facebook.

     

    [1]« Une seule chose ne changera pas : la politique menée par ceux qui auront le pouvoir d’État, celle, la même, que mèneront ceux qui auront joué le rôle de l’opposition quand il leur succéderont. Le pouvoir tout court ne peut se passer d’alternance, le changement régulier de personnel étant le seul moyen de maintenir une politique dont une large majorité du peuple ne veut pas. Le macronisme n’est sans doute pas la fin du clivage droite-gauche, mais une pause, à un moment où il devenait trop voyant qu’il ne signifiait rien politiquement, pour le relancer une fois l’expérience conclue comme toutes les précédentes, pour les mêmes raisons que les précédentes. » (Gauche ! Droite !, dernières phrases du IV, De l’ « Europe », et de la fin prévisible de la comédie macronienne, p. 42 de la version PDF)





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique