• Les cités, base de l'Empire romain. L'exemple de la Gaule et de l'Espagne


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     III- Les institutions des cités 1- L'exemple d'Irni

    III- Les institutions des cités 2- et 3-

    Les cités, base de l'Empire romain. L'exemple de la Gaule et de l'EspagneDans tout l’Occident romain, une fois la pacification terminée, la cité, ciuitas, est la structure politique essentielle, la référence première pour l’ensemble de ses habitants, et pour le pouvoir romain. Pour comprendre ce qu’a été l’empire romain, il faut se détacher de nos conceptions modernes de l’État, qui nous le font voir comme un ensemble centralisé divisé en provinces, elles-mêmes subdivisées, avec un système pyramidal d’administration. S’il a tendu à devenir cela, ce n’est pas ainsi que se le représentaient les Romains de la période de la conquête et du Haut-Empire. (Photo: monument funéraire d'un magistrat nîmois et de son épouse, CIL XII, 3175, prise par moi au musée de Nîmes)

    I– La cité, structure politique fondamentale

    Rome, au moment où elle sort d’Italie pour affronter Carthage, ce qui la conduit à dominer la Sicile, la Sardaigne et la Corse d’abord, l’Espagne ensuite, se considère comme une cité. Ce mot a pris dans les langues modernes le sens de ville, d’où de fréquentes confusions : dans l’Antiquité, il désigne une communauté de citoyens regroupés sur un territoire comprenant une ville, qui lui donne normalement son nom, qui se gouvernent eux-mêmes. En deçà de la cité, il n’y a que des relations privées. Au-delà, nous sommes dans le domaine de ce que nous appelons aujourd’hui les relations internationales, où on traite entre cités. En principe, la cité ne contient qu’un nombre limité de citoyens, sur un territoire relativement exigu : c’est considéré comme une condition de bon gouvernement.

    Ce modèle politique vient apparemment de Grèce : c’est en tout cas en Grèce qu’il a été théorisé, ce dont nous avons trace en particulier dans les œuvres politiques de Platon et Aristote au IVe siècle avant notre ère. Mais il ne concerne pas toute la Grèce, qui connaît d’autres formes d’organisation politique, et s’étend bien au-delà. Nous ignorons dans quelles conditions il a pu passer en Italie et y a été adopté, même si on peut voir là l’influence des colonies grecques du Sud de la péninsule . L’histoire romaine officielle telle que nous la trouvons chez Tite-Live voit Rome comme une cité, avec des institutions civiques, un roi, un sénat, une assemblée du peuple, dès son origine, et la présente comme issue d’une autre cité plus ancienne, Albe : nous n’avons guère de moyens de savoir ce qu’il en était réellement.

    Il y a bien évidemment une contradiction entre la conception de la cité comme espace politique exclusif, et l’expansion territoriale, qu’en principe une cité ne recherche pas, ou seulement à ses marges. L’histoire de l’empire romain est en partie l’histoire de cette contradiction et de sa gestion. Mais Rome se considère comme une cité dominant d’autres cités. Le terme qu’elle emploie pour désigner les autres Italiens, qui lui sont soumis, est significatif : socii, c’est-à-dire alliés. Il serait absurde de voir là une hypocrisie : personne ne songe à nier que les traités avec ces alliés, le plus souvent imposés par la guerre, sont presque tous inégaux. Les socii s’engagent généralement à avoir mêmes amis et mêmes ennemis que le peuple romain : c’est Rome qui décide pour tous de la paix et de la guerre, et qui décide aussi de la part que chacun doit prendre des charges de la guerre. Ils sont ainsi privés de toute possibilité de politique étrangère. Il s’agit de l’expression d’une conception politique : les hommes sont groupés en ciuitatesde taille nécessairement limitée, au-delà desquelles il n’y a que des relations entre cités. L’Italie n’est pas une entité politique mais un ensemble de cités dont chacune entretient avec Rome des relations définies par un traité.

    Cette conception ne change pas fondamentalement quand Rome étend sa puissance hors d’Italie. L’empire est vu, de la même manière, comme un ensemble de ciuitatesayant un rapport de sujétion à Rome, les provinces n’étant, en tout cas au départ, que des regroupements techniques sans réalité politique.

    Dans les territoires qu’elle domine par la conquête, Rome ne veut connaître et ne connaît, hors quelques royaumes « alliés » aux marges de son empire, que des ciuitates. Cela pose un problème évident : le modèle de la cité n’était pas universellement répandu, et le peu que nous savons des structures politiques en Espagne, en Gaule, en Bretagne, dans les Alpes en semble fort éloigné. Nous nous heurtons au problème de la nature de nos sources et, en deçà, de la langue qu’elles utilisent, le latin ou le grec. Les historiens modernes parlent plus volontiers, pour les unités politiques d’avant la conquête, de tribus, de peuples, de peuplades, et réservent en général le mot de cité à ce qui est grec ou italien. Mais César, par exemple, emploie, apparemment sans hésitation, le mot de ciuitaspour tous les peuples gaulois auxquels il a eu affaire, et parle même au moins une fois de res publicaà leur propos[1]. Les institutions qu’il évoque chez ces peuples semblent de type civique : on rencontre chez eux parfois un roi, des magistrats, un conseil restreint que César appelle sénat, une assemblée du peuple. Il y a là une utilisation, qui paraît naturelle, du vocabulaire latin pour décrire les réalités gauloises. Il est difficile, faut d’autres sources, de dire en quoi il y a eu aussi projection des réalités politiques romaines. Mais des différences restent cependant manifestes. La plus évidente concerne la taille des ces ciuitates : nous sommes fort loin de l’idéal civique d’un petit territoire rural autour d’un centre urbain. Les plus importantes, comme les Éduens ou les Carnutes, occupent des superficies très vastes, avec plusieurs agglomérations importantes, ce que l’archéologie confirme. Cette différence en induit une autre : il n’y a pas de rapport direct du citoyen à la cité, seule entité politique, mais au moins un échelon intermédiaire, village ou canton. Enfin, il semble y avoir entre les grandes ciuitateset leurs voisins plus petits des rapports de dépendance. Bref, sans nous donner les moyens de le préciser, nos sources nous laissent apercevoir des organisations pyramidales assez complexes, non réductibles au modèle de la cité.

    Mais nos sources postérieures, la Géographie du grec Strabon (sous Auguste), les listes de Pline dans la partie géographique de son Histoire naturelle(sous Vespasien), les allusions de Tacite au moment de la révolte de Sabinus ou des guerres civiles de 68-69, nous montrent que la Gaule conquise par César est divisées en ciuitatesindépendantes les unes des autres, très dépendantes de Rome. Il y a donc eu refonte de la carte politique, qui n’a laissé subsister qu’un seul type d’entité, ou du moins un seul reconnu par les Romains, en modifiant les anciens liens, en supprimant certains, en renforçant d’autres. Il est à peu près certain que les autres conquêtes occidentales, pour lesquelles nous n’avons pas de document comparable au De bello gallico, ont connu le même processus.

    Il faut immédiatement souligner, pour éviter tout malentendu, que nous n’avons pas la moindre idée de la façon dont ces processus se sont déroulés : nos sources ne nous permettent que d’en constater certains résultats, à des décennies d’intervalles. En ce qui concerne la Gaule conquise par César, on voit que les limites des ciuitatesau Haut-Empire sont en général conformes à ce que nous pouvons supposer des anciennes, et donc bien plus larges que celles des cités italiennes. Mais il y a des exceptions, dont la plus fameuse est celle des Mandubiens. Quand César assiège Vercingétorix dans Alésia, il signale qu’il s’agit de leur oppidum. Nous n’avons ensuite aucune trace de ceux-ci dans la Gaule d’après la conquête. Il faut donc conclure qu’ils y ont disparu en tant que ciuitaspour être rattachés à une autre, celle des Éduens si l’actuelle Alise Sainte Reine est bien le site de la bataille[2]. La simplification qui a suivi la conquête a fait disparaître certains peuples, rattachés à d’autres. Elle a aussi vraisemblablement permis à des communautés jusque là subordonnées d’accéder au statut de ciuitas autonome.

    La Gaule du Sud, d’abord appelée transalpine qui devint narbonnaise sous Auguste, offre des exemples plus variés. Les Allobroges, dont la capitale est Vienne, les Volques Arécomiques, autour de Nîmes, forment chacun une seule ciuitas, au territoire très vaste. En revanche, les Helviens, un des peuples les plus importants d’avant la conquête, celui dont les entreprises contre Marseille l’avaient motivée, disparaissent en tant que communauté politique : leur territoire est divisé en un nombre important de ciuitates. Nous avons donc à la fois des cités anormalement vastes et anormalement peuplées, et d’autres qui correspondent beaucoup mieux au modèle italien. Faute de sources, nous n’avons aucun moyen d’expliquer cette différence de traitement. Cela peut être une mesure de représailles contre les Helviens, pour détruire leur puissance en les fragmentant. Mais les Allobroges, qui ont eux aussi résisté durement aux Romains, connaissent la situation inverse. Cela peut tout aussi bien être au contraire une mesure de faveur pour les villes helviennes, jugées chacune dignes de devenir capitale d’une cité autonome. Mais les Volques Arécomiques semblent avoir connu avant la conquête une urbanisation vaste et diverse, puisque Strabon parle de vingt-quatre villes rattachées à Nîmes (ὑπηκόους γὰρ ἔχει κώμας τέτταρας καὶ εἴκοσι), très peuplées[3]. On peut citer aussi le cas très particulier des Voconces, connu par Pline l’Ancien qui cite leurs deux capitales (duo capita) Vasio et Lucus Augusti (Vaison et Le Luc)[4], ce qui est un cas unique : alors qu’une cité est normalement identifiée à sa ville capitale, à laquelle les autres agglomérations éventuelles sont subordonnées, celle-ci en a deux, apparemment sur un pied d’égalité. La seule conclusion possible qu’après la conquête des systèmes complexes à plusieurs échelons ont été réduit à un système simple où n’en subsistait, au point de vue romain en tout cas, qu’un seul. Des villes chef-lieu d’entités subordonnées sont ainsi devenues centres de cités autonomes. D’autres, ont été intégrées à des cités plus vastes. Certaines entités politiques antérieures sont devenues, telles quelles, des cités, d’autres ont été divisées en autant de cités qu’elles avaient de villes. Il est clair qu’il n’y avait aucune doctrine générale et qu’on a procédé au cas par cas. Il est également clair que les motivations pour chaque cas nous échappent totalement. On ne peut même dire si les conquérants ont procédé arbitrairement, ou s’ils ont consulté tout ou partie des populations concernées. 

    Nous ne pouvons que constater le résultat : l’Europe occidentale sous domination romaine est devenue un monde de cités, sur le modèle grec et romain, bien que beaucoup de ces cités, par leur importance territoriale, ne correspondent pas à ce modèle.

    II– Des cités inégales entre elles

    Ces cités ne sont pas pour autant égales entre elles. Chacune a un rapport à Rome particulier, plus ou moins favorable, qui lui donne une position spécifique.

    Une première distinction s’impose. Toutes ne sont pas issues des entités politiques d’avant la conquête. Les Romains ont aussi créé ex nihilo, aux dépens des peuples conquis, des communautés civiques, qui ont logiquement un statut privilégié. Ils ont ensuite étendu ce statut à certaines cités indigènes. Il faut donc séparer les communautés de type romain de celles de statut pérégrin, c’est-à-dire étranger.

    1– Les cités pérégrines

    Comme on l’a vu, le statut dit pérégrin est au début de la conquête le statut normal, et le seul. Quand les Romains pénètrent dans un territoire, ils y trouvent des entités politiques qui, pour eux, sont étrangères, et le restent quand ils imposent leur domination. Il faut bien noter qu’est pérégrin tout ce qui n’est pas romain, et non seulement ce qui est soumis à Rome : les Gaulois, les Espagnols et les Bretons étaient déjà des pérégrins avant la conquête et, sauf exception, le restent ensuite ; les Germains d’au-delà de l’Elbe, qui n’ont jamais été conquis, sont également des pérégrins. Les cités pérégrines des territoires conquis sont formellement des entités politiques séparées de Rome, mais qui ont avec elle un lien contraignant accepté ou imposé. Ce lien est bilatéral et particulier à chacune, mais nos sources ne permettent que très rarement de le définir avec précision.

    On peut apprécier cette diversité à partir des épithètes que les auteurs donnent aux cités, ou qu’elles se donnent dans les inscriptions. Trois termes sont employés, manifestement pour désigner des statuts privilégiés : libera,immuniset foederata[5]. Le plus fort semble bien sûr le premier, qui devrait logiquement caractériser une cité échappant totalement à la domination romaine. Mais on ne peut qu’avoir des doutes sur la réalité de cette liberté, que confirme le second terme, souvent, mais pas toujours, associé au premier, qui caractérise une exemption d’impôts : il semble donc qu’on pouvait être libre, mais devoir des impôts aux Romains. Le troisième, foederata, a un sens à la fois précis techniquement, et incertain quant à ses conséquences. Il ne doit en aucun cas être traduit par fédéré, faisant partie des nombreux mots latins dont le sens a évolué en passant dans les langues modernes : formé sur foedus, traité, il indique purement et simplement que la cité a un traité avec Rome. Mais bien évidemment, tout dépend du contenu du traité, dont nous avons rarement une idée. Est-il forcément préférable d’être liberique foederati ? Les deux termes sont-ils d’ailleurs incompatibles ? C’est très loin d’être certain. Marseille, que Pline l’ancien qualifie de foederataétait selon Strabon totalement soustraite à l’autorité des gouverneurs romains même après son siège par César pendant la guerre civile de 49 contre Pompée[6] : on ne peut bien sûr en déduire que tous les foederatiétaient dans ce cas. Les Rèmes, autour de l’actuelle ville de Reims, qui d’après le De bello gallico, sont les seuls Gaulois à n’avoir jamais pris les armes contre César le sont également chez le même auteur, comme les Éduens qui n’ont fait défection que quelques mois entre Gergovie et Alésia. En revanche, les Nerviens (Bavay), les Arvernes (Clermont-Ferrand) et les Bituriges cubes (Bourges)[7], qui furent des adversaires acharnés du conquérant, sont liberi. Mais c’est aussi le cas des Santons, eux aussi alliés sauf au moment d’Alésia.

    La seule conclusion possible est que nous avons là différents statuts considérés comme privilégiés et revendiqués comme tels, qui distinguent certaines ciuitatesdes autres, mais qu’il est vain de tenter d’établir une hiérarchie entre eux à fin de classification.

    2– Les communautés de type romain

    On rencontre deux types particuliers de communautés civique, romains, appelés municipes et colonies. Ces deux termes demandent à être définis historiquement.

    La colonisation est un phénomène bien connu dans l’Antiquité dès avant l’émergence de la puissance romaine. Elle a été pratiquée abondamment par les Grecs et les Phéniciens. Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, il faut oublier totalement le sens que le mot a aujourd’hui, qu’il n’a d’ailleurs pris qu’à la fin du XIXe siècle : dans l’Antiquité, comme à l’époque moderne, une colonie n’est pas un territoire conquis dont les habitants sont soumis au conquérant, mais la fondation par des migrants d’une communauté politique sur un territoire vide d’habitants ou qui en a été vidé.

    La colonisation est intrinsèquement liée à la conception de la cité que nous avons vue : une communauté politique d’ampleur limitée, fermée, non expansionniste. Quand la population en devient trop abondante pour le territoire, la seule solution envisageable est le départ de l’excédent pour fonder ailleurs une nouvelle communauté. C’est un moyen pour ceux qui n’ont pas de propriété, ou en ont une qu’ils trouvent insuffisante, d’aller chercher mieux ailleurs. C’est aussi parfois un moyen de résoudre un désaccord politique majeur : la minorité, volontairement ou sous la contrainte, quitte la cité pour aller en fonder une autre. C’est ainsi que des Grecs ont fondé des cités dans tout le bassin méditerranéen oriental, en Italie du Sud et en Sicile et même, avec Marseille, sur la côte gauloise. C’est ainsi que Carthage a été fondée par des Tyriens, venus de la côte syrienne donc, suite à un problème de succession d’après les récits antiques. Il n’y a pas de lien formel entre la colonie et la cité d’origine, appelée en grec métropole, cité mère : ce sont deux entités politiques totalement distinctes. Les colons, en devenant citoyens de leur fondation, perdent la citoyenneté de la métropole, car on ne peut en avoir qu’une.  Il peut rester des liens religieux, culturels, de solidarité, qui varient en fonction des circonstances de la fondation, de la distance et du temps écoulé.

    Les Romains ont logiquement, avec le développement de leur cité, repris ce modèle. Nous ignorons dans quelle mesure ils se sont inspirés des précédents grecs, dans quelle mesure les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Les colonies sont donc des cités fondées par des Romains qui quittent Rome pour devenir citoyens d’une autre communauté où ils s’attendent à un meilleur sort. Il y a cependant dès l’origine des différences de conception, qu’illustre bien (ce sont des choses qui arrivent même s’il ne faut surtout pas en faire une loi générale) la différence d’étymologie entre le mot latin et le mot grec. Alors qu’ἀποικία (apoikia) évoque un départ du domicile (οἶκος), coloniaest formé sur colere, qui signifie cultiver. Chez les Grecs, l’idée première est celle de départ au loin, chez les Romains, c’est de trouver une terre à cultiver. On sait que les seconds étaient beaucoup moins portés sur les aventures maritimes. On n’a pas d’exemple de Romains se livrant aux hasards de la mer pour trouver un territoire où fonder une nouvelle patrie. Leurs premières colonies sont fondées en Italie, relativement près de Rome donc, en général sur des territoires confisqués à d’autres cités à la suite de guerres, et à l’initiative des magistrats et du sénat. Autre différence, en partie au moins liée à cette proximité, elles conservent un lien politique fort avec  leur métropole, en rentrant dans le système d’alliances inégales qui assure sa domination sur l’Italie. Mais il s’agit bien de cités indépendantes de Rome, au même titre que les autres communautés de la péninsule. Celui qui participe à la fondation d’une colonie cesse d’être citoyen romain, pour devenir citoyen de celle-ci[8]. Nous sommes bien dans la conception classique de la cité : les citoyens d’une même communauté ne peuvent être que regroupés sur un territoire restreint, où ils peuvent exercer leurs droits. C’est un bon moyen de résoudre le problème de la terre sans remettre en cause les équilibres politiques et sociaux, dans une cité où le poids politique d’un citoyen est lié à sa richesse : par la colonisation, on fait de prolétaires (au sens romain : qui ne possède rien, sinon sa famille) ou de petits propriétaires, des propriétaires moyens mais en les excluant de la communauté. On leur reconnaît cependant le droit latin : ce n’est pas une sous citoyenneté, mais la reconnaissance mutuelle d’un certain nombre de droits que chaque cité réserve normalement à ses citoyens, comme celui de se marier légalement ou de commercer, hors les droits politiques, dont l’origine est dans les relations que Rome entretenait avec les autres cités latines avant de les absorber. Il s’apparente aux relations d’isopolitie connues entre les cités grecques. 

    À l’origine, un municipe est exactement le contraire d’une colonie. Il s’agit, autant que nous puissions le savoir, d’une notion proprement romaine : nous ne trouvons rien de comparable ailleurs[9]. Il apparaît très tôt (le premier connu est Tusculum, la patrie de Caton l’ancien, en 381[10]), pour résoudre le problème posé, déjà par l’extension de la cité romaine. Car Rome a aussi procédé très tôt par annexions à son territoire, dans des proportions très limitées : le territoire de la cité s’étend par absorption de cités voisines, celles du Latium (sauf Tibur et Préneste), Capoue, Cumes et quelques autres.

    La particularité est que ces cités ont conservé leurs institutions, bien que leurs citoyens soient devenus citoyens romains. Certains d’entre eux sont citoyens sine suffragio, c’est à dire sans droit de vote à Rome, et n’ont donc le droit de s’exprimer que dans le cadre des institutions locales. Mais il semble clair que cela n’est pas caractéristique du statut de municipium : il y a eu dès l’origine des municipes avec le suffragium.

    Un municipe est donc une communauté qui n’était pas romaine à l’origine, mais a été intégrée dans le peuple romain en conservant une personnalité propre, tandis qu’une colonie est une communauté formée de Romains d’origine qui ont perdu cette citoyenneté pour la fonder.

    Ce n’est pas une subdivision de Rome dans la mesure où il n’y a pas de continuité entre les institutions municipales et les institutions romaines, qui fonctionnent parallèlement. Il y a là, déjà, une sorte de double citoyenneté, en contradiction avec les principes théoriques de la cité, mais qui n’est pas assumée. L’illustre un texte célèbre de Cicéron, lui-même d’Arpinum, municipe créé en 303 et qui n’a obtenu le suffragium qu’en 188[11] : dans la préface du livre II de son De legibus, il défend l’idée qu’on puisse avoir deux patries, mais distingue celle de la nature, le municipe, et celle du droit, Rome, alors qu’en fait le municipe, par ses institutions, est clairement aussi une patrie de droit.

    Ce système reste dans un premier temps limité au centre de l’Italie, le reste de la péninsule étant formé de sociiou de colons autonomes. L’expansion du territoire romain à proprement parler s’est arrêtée en 241 pour près d’un siècle et demi : on voit bien que Rome veut garder à peu près la taille d’une cité. 

    Au moment où elle se trouve confrontée à Carthage, Rome est donc une cité d’une taille déjà anormale, qui à la particularité d’inclure des municipes, forme inédite de cité intégrée dans une autre. Elle a d’autre part fondé dans toute l’Italie des colonies, cités totalement distinctes d’elle, mais auxquelles l’origine romaine de leurs citoyens et le droit latin assurent une position particulière dans l’Italie que leur métropole domine par son système d’alliances inégales. C’est avec ce modèle qu’elle pénètre en Espagne puis en Gaule.

    Mais cette organisation se trouve fortement ébranlée par la deuxième guerre punique, qui voit une grande partie des alliés italiens, et même des municipes, comme Capoue, prendre le parti de l’envahisseur. Si Rome, après la victoire, la reconstitue en sanctionnant lourdement les fautifs, sa crise est évidente et oblige bientôt à des évolutions

    L’évolution touche d’abord le modèle colonial : après la deuxième guerre punique, la plupart des fondations ne lui correspondent plus. Apparaît alors un nouveau type, la colonie de citoyens romains, qui se distingue du précédent sur un seul point, mais capital : les colons restent citoyens romains et ont donc, de fait, une double citoyenneté, ce qui est une contradiction manifeste par rapport à la conception romaine de la cité. Elle s’explique aisément par l’évolution politique de l’Italie, qu’a montrée et accélérée la guerre contre Hannibal : du fait de la domination écrasante de Rome, en être citoyen n’est plus appartenir à une communauté parmi d’autres, mais avoir partout les garanties que donne le statut privilégié de membre du peuple dominant. Si auparavant les colons pensaient faire une bonne affaire en changeant le statut de citoyen pauvre à Rome pour celui de propriétaire aisé dans une nouvelle cité, cela n’est plus le cas. Pour poursuivre la colonisation, il faut leur permettre de rester romains : s’il leur est impossible de participer effectivement à la vie de la communauté à Rome, ils continuent à bénéficier des droits et du prestige attachés à ce titre. C’est ainsi que les autorités romaines sont conduites à créer cette contradiction, bien plus importante que celle que portaient les municipes, qui, à notre connaissance, n’a jamais été théorisée non plus : il est encore affirmé à l’époque de Cicéron qu’on ne peut être citoyen de deux cités, même si c’est devenu manifestement faux.

    La dernière fondation d’une colonie selon l’ancien modèle, avec le droit latin, est celle d’Aquilée, sur l’Adriatique, au Nord de la péninsule, en 181. Peut-être est-ce dû à l’éloignement plus important de Rome, et à la situation dans une région, la Gaule cisalpine, qui n’était pas alors considérée comme faisant partie de l’Italie. On remarque que la quantité de terre allouée aux colons est bien supérieure à celle donnée à ceux restant romains de Parme et de Modène deux ans plus tôt : à Aquilée, cinquante jugères aux simples soldats (soit plus de douze hectares, le jugère étant évalué à vingt)cinq ares), cent aux centurions, cent quarante aux cavaliers, à Parme huit et à Modène cinq, apparemment sans distinction de grade, selon Tite-Live[12]. C’est peut-être parce qu’il y avait plus de terrain disponible. C’est sans doute aussi que ces colons ont été plus difficiles à trouver. Ensuite, on ne connaît que des fondations de colonies de citoyens romains. Le rapport entre le territoire de ces colonies et le territoire romain reste flou : contrairement à celui des municipes, il ne lui est jamais assimilé, gardant un statut fiscal différent.

    Ce changement ne porte que sur les nouvelles colonies. Les anciennes conservent le droit latin, qui connaît cependant deux changements significatifs. Le premier, négatif, que nous connaissons bien par plusieurs textes de Tite-Live[13], est la fin du droit de migration, ius migrandi, qui y était lié. Tout membre d’une communauté de droit latin pouvait librement s’installer dans une autre et en recevoir la citoyenneté. À l’origine réciproque, ce droit impliquait alors surtout, en pratique, celui pour tout colon latin de revenir à Rome et d’y retrouver la citoyenneté romaine abandonnée par lui ou par ses ancêtres. Qu’il ait été si longtemps maintenu sans poser de problème confirme ce que nous avancions plus haut : il était alors plus avantageux d’être colon latin que citoyen romain, et les retours n’étaient pas nombreux. Mais précisément, la situation change, comme nous l’avons déjà vu, après la deuxième guerre punique, et le pouvoir romain réagit par une mesure brutale de suppression de ce droit. Le second, positif mais qui va dans le même sens, est l’octroi de la citoyenneté romaine aux magistrats annuels des colonies latines à leur sortie de charge. Il confirme l’évolution que nous avons constatée pour les nouvelles colonies : désormais, la citoyenneté romaine n’est plus liée à la résidence dans la cité mais est devenue un statut privilégié et convoité, dans toute l’Italie. Ces deux changements modifient profondément la nature du droit latin, qui devient alors une sorte de sous citoyenneté romaine, et non plus une formule de partage partiel de citoyennetés. Dans les colonies de droit latin, la majorité a une partie seulement des droits du citoyen romain, les anciens magistrats, c’est-à-dire une élite restreinte, principalement héréditaire et se complétant essentiellement par cooptation, en a la totalité[14].

    Les municipes ont eux aussi connu une évolution, avec la fin de la ciuitas sine suffragioet la généralisation de la pleine citoyenneté. Nous n’avons que deux informations précises à ce sujet. D’une part, Capoue et Cumes, qui avaient trahi Rome au profit d’Hannibal, disparaissent  en tant que municipes. D’autre part, Tite-Live nous apprend qu’en 188, Arpinum, Fundi et Formiae reçoivent la pleine citoyenneté[15]. Comme nous n’entendons plus parler ensuite de ciuitas sine suffragio, on conclut en général qu’il s’agissait des derniers à ne pas l’avoir, et que les autres l’avaient reçue progressivement, selon un processus que nous sommes incapables de dater.

    Il n’y a pas eu en revanche de nouveau municipe en Italie au cours du IIe siècle : la cité romaine ne dépasse pas les frontières qu’elle avait atteintes en 241. Cela rend d’autant plus spectaculaire l’évolution qu’elle connaît, sous une relative contrainte, au début du premier. Suite à la guerre sociale (adjectif formé sur le mot socii), où elle a fait face victorieusement à la majorité de ses alliés italiens, elle se résigne à leur accorder à tous sa citoyenneté, ce qui consacre son évolution hors du cadre d’une cité normale. Toutes les cités concernées, comprises les anciennes colonies, deviennent alors des municipes. L’Italie n’est plus qu’une cité gigantesque dont, en l’absence de toute idée de délégation ou de représentation, la majorité des citoyens ne peut exercer que très épisodiquement son droit de vote à Rome, et ne s’exprime donc que dans le cadre des institutions municipales. Elle est ensuite étendue à la partie Nord de la péninsule, la Gaule cisalpine.

    Entretemps, ce modèle a été transposé dans les provinces d’Espagne puis de Gaule, quoique de façon très limitée : leur colonisation par les Romains débute très lentement.

    La première fondation est pourtant attestée dès la période de conquête de l’Espagne : en 206, Scipion, le futur Africain[16], installe certains de ses soldats au bord du fleuve Bétis (aujourd’hui le Guadalquivir) dans une ville qu’il nomme, significativement, Italica. Il semble cependant qu’il ne faille pas exagérer son importance : l’historien grec Appien, le seul à la mentionner[17], précise qu’il s’agissait de malades et de blessés, ceux donc qui ne pouvaient pas rentrer en Italie. Tite-Live, qui pourtant donne un récit très détaillé des exploits espagnols de Scipion, n’en dit pas un mot. On ignore tout du statut de la ville, et même si elle en avait un. Vraisemblablement, on n’a accordé de l’importance à cet événement qu’a posteriori, quand la cité a pris de l’importance et, surtout, a été la patrie d’origine de deux empereurs successifs, Trajan (98-117) et Hadrien (117-38).

    Le deuxième cas, connu cette fois-ci par Tite-Live[18], est très particulier : une colonie latine est fondée sur décision du sénat à Carteia en 171, dix ans donc après Aquilée. Mais il ne s’agit pas d’envoi de citoyens romains : la fondation a lieu à la demande de personnes déjà sur place qui, nés d’union entre soldats romains et femmes indigènes, n’ont pas la citoyenneté[19]. Recevoir le statut latin est donc pour eux un progrès.

    Cette absence de fondations coloniales en Espagne, alors qu’on voit bien quel aurait été leur intérêt stratégique pour le contrôle du territoire soumis paraît pouvoir s’expliquer par le peu d’enthousiasme des Romains à s’installer si loin de l’Italie. Les premiers projets coloniaux hors de la péninsule qui soient attestés étaient dus à Caius Gracchus, qui lança en 123 une politique ambitieuse pour résoudre le problème de la propriété foncière : ils ne survécurent pas à son échec. C’est peu de temps après, en 118, que fut fondée la première colonie romaine au-delà des Alpes, Narbo Martius (Narbonne), dans la partie Sud de la Gaule transalpine qui venait d’être conquise, par l’un des chefs victorieux, Cnaeus Domitius Aenobarbus. Les circonstances nous en sont assez mal connues. Significativement, il s’agit d’une colonie de citoyens romains : la distance n’y fait rien, les fondations latines appartiennent au passé, un citoyen romain, même installé à des centaines de kilomètres de Rome, ne renonce pas à son appartenance au peuple dominant.

    Cet exemple reste longtemps isolé. Dans les décennies qui suivent, des projets n’aboutissent pas. Les guerres civiles, qui commencent entre Marius et Sylla juste après la fin de la guerre sociale, relancent la colonisation, mais en Italie. Sylla, vainqueur, installe ses soldats, à qui il doit récompense, sur des terres confisquées à des communautés qui ont choisi le camp perdant : ainsi, au moment où les anciennes colonies d’Italie deviennent des municipes, d’autres réapparaissent. César, puis les triumvirs ses successeurs procèdent de même. C’est la fin de ces guerres civiles qui remet la colonisation de l’Espagne, de l’Afrique et de la Gaule à l’ordre du jour. Il s’agit toujours de récompenser ceux qui ont combattu pour le vainqueur, mais il y a deux bonnes raisons de ne pas les installer en Italie : la première est qu’on veut se concilier les Italiens, ce qui exclut de les spolier, la seconde qu’on préfère, quand on pense ne plus avoir besoin d’eux, les installer loin de Rome pour ne pas subir leur pression.

    Le premier programme est lancé par le dictateur César quand il se croit, à tort certes, dans cette situation. Suétone indique qu’il a installé au total 80 000 citoyens romains in transmarinas colonias[20]. On n’a pas de liste exacte de ces fondations. Leurs noms ne nous permettent pas toujours de les distinguer de celles, postérieures, de son fils adoptif, Octave, le futur Auguste : les unes et les autres portent l’épithète Iulia, du nom de leur fondateur. On ne peut avoir de certitude que pour celles qui précisent Iulia Paterna. Peuvent être citées en Espagne Urso, en Gaule la refondation de Narbonne par l’envoi de nouveaux colons, la création d’Arles. Ce programme est repris par Octave-Auguste durant la période triumvirale et, surtout, après sa victoire définitive, quand il doit licencier l’immense armée qu’il avait réunie contre Antoine.

    Il y a donc, pour la première fois, installation massive de citoyens romains en Gaule et en Espagne, où ne se trouvaient auparavant que les gouverneurs et leur suite, des armées épisodiquement, et des commerçants. Ils ne sont pas établis au milieu des indigènes, mais dans des cités qui leur sont propres, et dont l’activité principale sera logiquement l’agriculture pour nourrir leur population. Ces colonies ne se répartissent cependant pas régulièrement dans l’ensemble des régions soumises. La Gaule conquise par César en est pratiquement vide, à l’exception de Lyon, qui se trouve à la limite de l’ancienne Gaule transalpine. On voit donc bien que l’objectif de ces fondations n’est pas de contrôler les territoires conquis, mais de donner autant que possible satisfaction aux vétérans, en en faisant des agriculteurs dans des conditions proches de celles de l’Italie : le climat est manifestement l’élément déterminant. Ce serait d’ailleurs une erreur d’exagérer l’aspect militaire de ces fondations : certes, les premiers habitants sont d’anciens légionnaires, mais cette qualité ne se transmet pas à leurs enfants.

    Nous n’avons aucun document précis sur l’installation, même d’une seule de ces colonies, comme nous pouvons en avoir sur celles d’Italie par Tite-Live. Les sources nous donnent au mieux un nom, une date de fondation, le nom du fondateur, et l’unité concernée, car les colons sont répartis par leur légion d’origine.

    Les territoires, relativement exigus, sont incontestablement pris sur les cités indigènes. Nous n’en savons pas plus. S’agit-il de confiscations ? d’achats ? de terres déjà confisquées lors de la conquête et jamais utilisées ? Les cas sont sans doute différents. Il est peu vraisemblable que César et Auguste aient massivement spolié des peuples pour certains soumis depuis longtemps. Il a pu y avoir des compensations en termes fiscaux ou en termes de statut. Pline l’ancien nous apprend que le territoire de Lyon a été pris sur les Ségusiaves (Strabon en fait, par une erreur manifeste, leur capitale), qu’il indique commeliberi, alors qu’il ne font partie ni des principaux peuples d’avant la conquête, comme les Arvernes, ni des soutiens des Romains, comme les Santons : il est tentant de supposer un lien entre ces deux faits, la liberté étant accordée comme compensation à l’amputation du territoire, mais ce ne peut être qu’une hypothèse. De même, la promotion au droit latin de certaines cités de Narbonnaise, que nous étudierons bientôt, peut être liée à la colonisation.

    En principe, la colonie était fondée sur un territoire vide d’habitants. La ville était construite ex nihiloselon le célèbre plan carré des villes romaines, éventuellement adapté au relief. Le territoire rural était découpé de façon géométrique, ce dont les fragments gravés de cadastre retrouvés à Orange donnent un témoignage, et répartis entre les colons. L’archéologie a permis cependant de retrouver, dans de nombreux cas, des traces d’agglomérations là où ont été bâties les villes, à Lyon et en Arles par exemple. Ce n’est guère surprenant : les fondateurs choisissaient évidemment des sites propices, que d’autres avaient logiquement occupés avant eux. Faute de datation précise des sources archéologiques, on ne peut savoir avec certitude si ces agglomérations existaient encore au moment de la colonisation, ou avaient été abandonnées antérieurement. Dans le premier cas, elles ont nécessairement été détruites pour faire place à la ville romaine. Les habitants furent-ils chassés, ou intégrés dans la colonie ? On ne peut le savoir.

    Plus généralement, se pose la question de la présence d’indigènes parmi les colons. En théorie, une colonie est fondée par des Romains exclusivement. Cependant, l’épigraphie locale peut démentir ce principe : à Aquilée, dont nous avons déjà parlé, on a prouvé grâce aux inscriptions la présence significative d’indigènes originaires de la région, reconnaissables par leurs noms. Les colonies de Gaule et d’Espagne se prêtent mal à ce genre d’analyse : si on y trouve des colons dont le nom prouve incontestablement une origine indigène, il n’est pas possible de déterminer s’ils ont reçu la citoyenneté pour être intégrés dans la colonie, où s’ils ont été colons en tant que Romains, l’ayant obtenue auparavant. On sait en effet que César, puis les autres chefs des guerres civiles, ont fort généreusement distribué cette citoyenneté dans les provinces qu’ils contrôlaient dans le but principal de pouvoir faire de ceux qu’il obligeaient ainsi des légionnaires au service de leur cause. Parmi les soldats des légions installées par la colonisation, il y avait donc aussi des Espagnols et des Gaulois d’origine.

    On peut citer le cas, exceptionnellement connu, par la biographie que lui a consacrée son gendre, du beau-père de Tacite, Agricola. Son nom complet est Cnaeus Iulius Agricola, et nous savons par sa biographie qu’il était originaire de Fréjus. Le nom de Iulius indique que sa famille devait sa citoyenneté romaine à un membre de cette gens : on trouvait donc à son origine soit un affranchi d’un Iulius, ce qui est hautement improbable au vu de leur ascension rapide, soit un indigène ayant été fait romain par César ou par Auguste. Mais il est impossible de savoir si celui-là s’est trouvé colon à Fréjus parce que, Gaulois, il a été intégré parmi les colons ou parce que, légionnaire d’origine gauloise, voire espagnole, ou même de Gaule cisalpine avant l’intégration de celle-ci dans la cité romaine, il en faisait partie.

    Il faut quoi qu’il en soit souligner que, si tous les colons sont Romains de citoyenneté, tous ne sont pas Italiens d’origine, ce qui atténue déjà l’opposition qu’on peut supposer entre les nouvelles communautés et les cités indigènes voisines.

    Cette phase de colonisation massive modifie sensiblement le visage de certaines parties des provinces d’Europe occidentale, et crée ou renforce une opposition entre les zones marquées par la présence romaine, et celles qui le sont beaucoup moins.

    Ce sera la seule. Avec le principat, l’armée romaine change de nature en s’installant essentiellement sur les frontières, avec des soldats de plus en plus recrutés localement, et on ne fonde plus guère de colonies, les vétérans, libérés à un âge avancé, restant en général sur place. La seule exception significative est la fondation par Claude, après sa conquête de la Bretagne, de Camulodunum : le but est cette fois ci clairement stratégique, et symbolique en même temps.

    Mais le nombre de cités de type romain ne croît pas moins en Espagne et en Gaule, par la promotion de communautés indigènes.

    3- Des promotions de cités pérégrines vers le type romain

    Au moment où la colonisation s’arrête, les colonies se multiplient. On en trouve ne grand nombre dans la partie Sud de la Gaule, désormais province de Gaule Narbonnaise. Leurs propres inscriptions, où elles se nomment ainsi, sont notre source principale sur ce point. Il ne s’agit plus là, comme précédemment, de fondations ex nihilopar des colons romains, mais, clairement, de promotions au rang de colonies de cités indigènes. Certains auteurs modernes ont considéré que le titre de colonie impliquait forcément l’installation de colons et en ont supposées, en particulier pour Nîmes : nous n’en avons en fait aucune trace, et tout au contraire tend à confirmer qu’il y a continuité parfaite entre les ciuitatespérégrines antérieures et les nouvelles colonies. Cette appellation cesse donc d’être une référence aux conditions de fondation pour devenir un statut privilégié, manifestement supérieur à ceux de ciuitas liberaou foederata.

    Parmi celles-là, on trouve des colonies de citoyens romains. C’est essentiellement Pline qui nous renseigne sur ce point. Dans sa liste des colonies de Narbonnaise, parmi les colonies de fondation pour lesquelles il cite à chaque fois la légion d’origine, il en place deux sans cette précision, Valence et Vienne. La seconde est la mieux connue : il s’agit de la capitale des Allobroges, ce qui indique qu’avec sa promotion, l’ancienne ciuitasgauloise a abandonné son nom pour prendre celui de sa ville principale, selon l’habitude grecque et latine[21]. Une autre source nous permet même de dater l’accession à ce statut avec une relative précision : dans le discours conservé par la table de Lyon, Claude mentionne Valerius Asiaticus, un Viennois devenu consul sous Caligula ante […] quam colonia sua solidum civitatis Roma/nae benificium consecuta est,avant que sa colonie ait eu le total bénéfice de la citoyenneté romaine, ce qui désigne sans aucun doute sa promotion : elle date donc soit de la fin du règne de Caligula, soit du début de celui de Claude, avant l’année 48 où ce discours est prononcé[22]. Elle peut être liée au voyage de Caligula en Gaule, à l’influence de Valerius Asiaticus, deux hypothèses qui n’ont rien d’incompatible. Sur Valence, nous ne savons rien de plus que ce que dit Pline : elle était colonie romaine dans les années 70 de notre ère, sans qu’il soit possible de dater sa promotion.

    On ne trouve pas de cas comparable en Espagne, où toutes les colonies semblent de fondation, mais le même processus de promotion a lieu sous une autre forme, celle du municipe de citoyens romains, qui semble plus logique pour des communautés pérégrines promues à la citoyenneté romaine, compte tenu des origines, vues plus haut de ces deux statuts. Nous n’avons aucune explication sûre pour cette différence, sinon que ces promotions ont dû avoir lieu à des époques différentes. Peut-être le titre colonial en Gaule s’explique-t-il par le passage par le statut latin.

    En effet, si le statut de communauté de citoyens romains, colonie ou municipe, reste limité à quelques cas au moment où écrit Pline, ses listes, et d’autres sources, témoignent en revanche d’une diffusion très large du droit latin, qui connaît ainsi, après l’époque de la ligue latine et celle de la colonisation de l’Italie, un troisième usage, devenant un moyen de promotion de communautés non italiennes. Là encore, nos sources nous permettent plus de constater, partiellement, un résultat que d’analyser un processus.

    Nous avons deux attestations d’octroi du droit latin à des provinces entières. Tacite l’indique pour les Alpes maritimes sous Néron[23]. Surtout, Pline nous donne en une phrase, « Vespasien a donné à toute l’Espagne le droit latin »[24], une information capitale, dont les listes qu’il fournit ne tiennent pas encore compte, puisqu’elles signalent des pérégrins. La Narbonnaise pose un problème particulier : sans rien dire de tel, Pline n’y cite, hors Marseille, que deux types de communautés, les colonies romaines et ce qu’il appelle les oppida latina[25]Il semble logique de conclure que cette province avait reçu le droit latin globalement, avant les Espagnes. Il y a accord quasi général parmi les auteurs modernes pour attribuer cela soit à César, soit à Auguste, ce qui permet de voir là une compensation à la colonisation accordée aux indigènes, mais il ne s’agit que d’une hypothèse. Il est admis que Pline utilise une source d’époque augustéenne, car son texte ignore l’existence de la province des Alpes maritimes, créée sous Aguste: il est donc tentant de supposer que la Narbonnaise avait déjà alors le droit latin. Mais on ne saurait en être certain : la phrase sur l’Espagne, le cas de Vienne suffisent à prouver que l’auteur corrigeait parfois sa source pour la mettre à jour, ce qu’il a fort bien pu faire aussi dans ce cas. On peut aussi voir un indice dans le silence de Tacite, par qui nous connaissons le cas des Alpes maritimes sur ce point, bien qu’une négligence de sa part ne soit pas impossible : cela peut nous placer avant le début de son œuvre, la mort d’Auguste en 14, mais aussi dans sa lacune couvrant le règne de Caligula et le début de celui de Claude, voire dans les dernières années de celui de Néron. Aucune autre promotion globale de province n’est attestée, ce qui ne signifie pas bien sûr qu’il n’y en ait pas eu après la rédaction de l’œuvre de Pline, voire avant puisqu’il ignore le cas, antérieur à l’Espagne, des Alpes maritimes.

    Ces promotions globales n’ont manifestement eu lieu que dans un second temps, certaines cités indigènes ayant d’abord reçu séparément le droit latin. On en a la preuve dans le texte de Pline sur l’Espagne : la liste des communautés qu’il donne, antérieure à l’application de la décision de Vespasien puisqu’elle comporte des pérégrins, mentionne aussi des Latins, qu’il qualifie de Latini ueteres, sans doute par opposition aux Latins récents créés par ce prince. Dans sa description de la Narbonnaise, Strabon ne cite que Nîmes comme latine, en s’étendant assez longuement sur son cas. On peut donc légitimement conclure qu’à l’époque où il se place (qui n’est pas nécessairement celle où il écrit), il n’y en avait pas d’autres. Des monnaies datables de 30 avant notre ère environ[26]portant Col(onia) Nem(ausi)indiquent qu’elle avait déjà ce titre, vraisemblablement lié au droit latin, alors.

    Le lien entre les deux est-il pour autant nécessaire ? Il semble clair que toute colonie  est soit de citoyens romains, soit de droit latin. Il est moins évident que toute communauté recevant le droit latin à cette époque ait reçu le titre de colonie. Pline l’ancien, en Narbonnaise comme en Espagne emploie le terme d’oppidumpour tout ce qui n’est pas colonie de citoyens romains, et distingue entre ceux qui sont de citoyens, latins et pérégrins. Ce mot désigne vraisemblablement pour lui, à un sens très différent donc de celui qu’on trouve chez César, toute forme de communauté civique, ciuitaspérégrine, municipe ou colonie : on peut penser qu’il l’emploie justement pour éviter de rentrer dans ces distinctions. Il ne connaît donc que des oppida latina. Un certain nombre, dont Nîmes est le plus illustre, nous sont connus comme colonies par d’autres sources littéraires ou, surtout, par des inscriptions, au hasard des découvertes, ce qui confirme qu’oppidumpouvait désigner une colonie. Sur beaucoup d’autres, nous n’avons aucune information : cela ne permet évidemment pas de conclure qu’il ne s’agissait pas de colonies. Nous n’avons aucune preuve qu’une communauté ait eu le droit latin sans l’être et, vue la nature de la documentation, n’en aurons sans doute jamais. On ne peut donc conclure que les Romains aient donné en Narbonnaise le droit latin sans le titre colonial, ni affirmer le contraire.

    Les choses sont en revanche beaucoup plus claires en Espagne à partir de Vespasien. À la phrase de Pline répondent en effet les nombreux fragments de lois municipales d’Irni, Salpensa, Malacca…, qui nous apprennent l’apparition d’un type institutionnel manifestement nouveau : le municipe latin. Vu le grand nombre d’exemples de lois apparemment identiques ou presque identiques dont nous avons des fragments, nous pouvons déduire sans grand risque qu’il s’agit de la formalisation sous Domitien, en ??, de la décision de Vespasien d’accorder le droit latin à toute l’Espagne, et que chaque communauté civique qui n’avait pas le droit romain a reçu une loi de même type, en faisant un municipe latin. Cela semble a priori une aberration historique et juridique : nous avons vu qu’à l’origine le droit latin était lié aux colonies, tandis que le municipe se caractérisait par l’intégration dans la cité romaine. Cette aberration peut être interprétée aussi comme une nouvelle étape de l’évolution de la notion de citoyenneté, qui a fait apparaître les colonies de citoyens romains loin de Rome tout en faisant du droit latin une sorte de sous citoyenneté : peut-être  le municipe latin était-il, dans l’esprit de ses concepteurs, un lointain héritier du municipe sine suffragio.

    Si l’évolution est évidente, il n’est pas certain qu’elle soit à attribuer aux Flaviens, bien qu’elle soit pour la première fois clairement attestée sous cette dynastie. On trouve en effet dans les Alpes Maritimes, dotées du Latium par Néron, des municipes qui semblent latin[27] : Vespasien et Domitien n’ont peut-être qu’appliqué ce modèle d’octroi à une province entière. André Chastagnol a proposé de faire remonter la création des premiers municipes latins au règne de Claude, à partir de l’exemple du Norique, où trois communautés sont qualifiées de claudiennes et de municipes : selon lui, le nombre de non Romains apparaissant dans leurs inscriptions exclut qu’il s’agissent de municipes de citoyens romains.

    On arrive donc, au plus tôt sous Claude, au plus tard sous Domitien, à une situation paradoxalement inversée : le titre de municipe signifie désormais le droit latin, celui de colonie le droit romain. Mais cela ne concerne pas les communautés qui avaient déjà obtenu ces titres auparavant : les municipes de citoyens romains d’Espagne restent municipes, les colonies de droit latin de Narbonnaise restent colonies.

    Le cas des Trois Gaules est (encore) beaucoup plus compliqué. Il est généralement admis qu’elles ont, comme les trois provinces espagnoles, reçu en bloc le droit latin, et avant elles. Mais, si on cherche ce qui peut bien fonder cette affirmation, on ne trouve guère que le patriotisme gaulois des auteurs modernes français, qui leur fait exclure que les Espagnols aient pu être mieux traités. La conquête romaine de l’Espagne est pourtant bien plus ancienne et, ce qui est un point commun avec la Narbonnaise, la présence de colons romains y est importante, alors qu’il n’y en pas entre Lyon et le Rhin. Pline l’ancien ne connaît en Gaule chevelue que des cités gauloises, hors quatre colonies, Lyon, Equestris (Nyon), Raurica (Augst, en Suisse) et Agrippinensis (Cologne), qui sont toutes des fondations romaines, la dernière sous Claude, ce qui semble prouver que sa liste n’est pas antérieure à son règne. En Aquitaine, Strabon indique que certains, dont les Auscii (Auch) et les Convènes (Saint Bertrand de Comminges) on reçu le droit latin d’Auguste ou Tibère, ce qu’ignore Pline près d’un siècle plus tard).Le statut de colonie des Trévires (Trèves) et des Lingons (Langres) est bien attesté, par des passages de Tacite en 69[28]et un nombre assez important d’inscriptions, celui de quelques autres citées, les Helvètes ou les Morins (Boulogne), par exemple, par quelques inscriptions sans datation possible[29]. Ce sont là des promotions, qui impliquent au moins le droit latin, vraisemblablement pas le droit romain.  Ça ne permet certes pas de conclure à un droit latin généralisé en Gaule, surtout pas précédant celui donné à l’Espagne. Ça ne permet pas bien sûr d’affirmer le contraire : sans cette unique phrase insérée par Pline qui vient nous apprendre que ses listes espagnoles sont périmées, nous ne saurions rien non plus de ce don de Vespasien. Une telle mesure pour les Trois Gaules peut lui avoir échappé, et avoir été négligée par Tacite ou dater d’un moment où son œuvre nous manque[30]. Ensuite, sans Pline ni Tacite, nous n’avons plus aucune source littéraire susceptible de nous informer de ce genre de choses : les Trois Gaules peuvent donc aussi bien avoir reçu le droit latin à la fin du premier siècle ou au cours du deuxième qu’avoir conservé des cités pérégrines jusqu’au moment où Caracalla a généralisé la citoyenneté romaine à tout l’empire en 212.

    On peut d’ailleurs se demander si ces promotions étaient toujours souhaitées. Elles avaient, dans certains cas au moins, des conséquences fiscales appréciables, les colonies et municipes étant mieux traités que les cités pérégrines en général. Mais l’étaient-elles mieux que toutes les privilégiées, liberae,immunesou foederatae ? Nous n’en savons rien. On peut aussi penser que la promotion apportait, en soi, un prestige supplémentaire à la cité, et était recherchée pour cela. Mais les plus prestigieuses, comme les Arvernes et les Éduens, où nous n’avons pas de trace de titre colonial, estimaient-elles en avoir besoin ?

    La conséquence principale d’une promotion est bien sûr la citoyenneté romaine, pour toute la population s’il s’agit de droit romain, pour les anciens magistrats seulement dans le cas du droit latin. On considère souvent rétrospectivement l’histoire de l’empire romain comme une marche triomphale vers la généralisation de la citoyenneté romaine, sollicitée par les sujets, d’abord refusée puis généreusement accordée par les maîtres, progressivement jusqu’à l’édit de 212, le droit latin étant vu comme étape. Il n’est pas certain que ç’ait été la vision de tous les contemporains. Être citoyen romain n’avait que des avantages pour un Gaulois ou un Espagnol des premier et deuxième siècles de notre ère. Mais, précisément, ceux qui détenaient ce privilège étaient-ils soucieux de le partager, au point qu’il cessât d’en être un ? Le droit latin paraît être un statut inférieur en ce qu’il réserve l’accès à la citoyenneté romaine aux magistrats. Il n’est pas certain que ç’ait été un inconvénient pour ceux qui en bénéficiaient puisque cela augmentait la coupure entre le groupe dominant, essentiellement héréditaire (les auteurs modernes qui considèrent que ça permettait de faire deux ou quatre nouveaux citoyens par an semblent avoir oublié que presque tous les magistrats élus étaient fils de magistrats, donc citoyens romains de naissance) et se complétant par cooptation, en droit ou en fait (nous y reviendrons), qui avait donc le monopole de la citoyenneté romaine, et de sa collation, par ce moyen et également par affranchissement, monopole dont sa généralisation le privait. On est surpris que Nîmes, apparemment la plus ancienne colonie latine de Gaule, ne soit jamais, à notre connaissance, devenue colonie de citoyens romains[31], contrairement à Vienne et Valence. Ce peut être parce que les Nîmois étaient moins bien considérés par les princes du premier siècle, mais ce peut être aussi que leur groupe dominant ne tenait pas à cette promotion. De même, s’agissant de promotion des cités des Trois Gaules au droit latin, on peut se demander, alors que les rares inscriptions que nous ayons nous les montrent dominées par des familles ayant reçu la citoyenneté peu après la conquête, comme nous l’avons vu dans une autre note à propos des Santons, si celles-ci voulaient vraiment la voir étendue à un groupe plus large.

     

    Les cités comprises dans les provinces de Gaule et d’Espagne ont donc des statuts extrêmement variés, d’une complexité que nos sources nous permettent d’apercevoir, mais non certes d’analyser en détail. On voit qu’il y a une distinction fondamentale entre cités pérégrines d’une part, communautés de type romain de l’autre, que les premières ne sont pas égales entre elles, que les secondes sont essentiellement réparties entre romaines et latines, mais il est très difficile, au mieux, souvent impossible d’apprécier les nuances, de savoir à quelle date telle cité change de statut, et même si elle en a changé. La nature même des sources n’arrange rien : hors quelques allusions éparses chez Tacite ou ailleurs, nous n’avons après Strabon, que les listes de Pline qui donnent un état à une date qui n’est pas forcément celle de la rédaction de l’œuvre, et peut varier selon les cas, et des inscriptions locales qui sont très rarement datées ou datables, parlent parfois de colonies ou de municipes, différence devenue anecdotique comme on l’a vu, citent des noms de peuples sans mention de statut, ce qui ne suffit pas à prouver qu’ils soient pérégrins, et ne parlent presque jamais de droit romain ou latin, ni des statuts particuliers des cités pérégrines.

    Il serait excessif de dire qu’il y a, hors les colonies romaines de fondation, autant de statuts que de cités. On n’en est pourtant vraisemblablement pas très loin, tant ils dépendent des conditions particulières de soumission ou de promotion.

    On retrouve cette diversité et cette complexité, en pire encore, si on examine, ce que nous ferons dans la troisième partie, le peu que nous savons des institutions locales de ces cités.

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    [1]CésarGuerre des Gaules, VI, XX, 1.

    [2]Cette disparition explique l’importance des polémiques à ce sujet, et les vastes distances entre les sites concurrents : alors que Gergovie, oppidumdes Arvernes, ne peut être placé que sur leur territoire, ce qui limite les possibilités, Alésia peut se trouver à peu près n’importe où.

    [3]Strabon, Géographie, IV, I, 12.

    [4]Pline l’Ancien, III, 37.

    [5]Donnés ici au féminin, comme s’appliquant à des ciuitates. On les trouve aussi au masculin pluriel (liberi, immunes, foederati)accolé aux noms des habitants.

    [6]Pline l’Ancien, III, 34 ; Strabon, Géographie, IV, I, 5.

    [7]Pline l’Ancien, IV, XXXI, 2 et XXXIII, 1.

    [8]Nous ne nous intéressons pas ici au cas, très différent, des quelques colonies de citoyens romains anciennes, petites et fondées aux limites de Rome, qui n’ont rien à voir avec ce qui se passe ensuite dans les provinces.

    [9]La référence sur ce sujet est le livre de M. Humbert, Municipiumet ciuitas sine suffragio. L’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Rome (Coll. EFR, 36), 1978, que je suis largement ici.

    [10]Tite-Live, VI, XXVI. M. HumbertMunicipium…, p. 154-61.

    [11]Tite-Live, X, I et XXXVIII, XXXVI.

    [12]Tite-Live, XL, XXXIV pour Aquilée, XXXIX, LV pour Parme et Modène.

    [13]En particulier Tite-Live, XLI, VIII-IX.

    [14]Nous ne connaissons pas la date de ce changement essentiel, Tite-Live nous manquant à partir de 167 (ce qui donne un terminus post quem) et n’étant remplacé par aucune source comparable avant le début des Annalesde Tacite. Il devrait logiquement être antérieur à la guerre sociale, qui fait de tous les Italiens, latins ou non, des Romains. Nous en constatons les effets bien plus tard.

    [15]Tite-Live, XXXVIII, XXXVI.

    [16]  Il reçoit ce surnom après sa victoire contre Hannibal sur le sol africain à Zama en 202.

    [17]App., Ib., XXXVIII.

    [18]  Liv., XLIII, 3. VoirP. Le Roux,Romains d’Espagne…, p. 54.

    [19]Rappelons qu’on ne naissait citoyen que de deux parents citoyens, sauf cas particulier comme le ius connubiilié au droit latin.

    [20]SuétoneVie du divin Jules, XKII.

    [21]Il n’y a aucune raison de supposer, comme on le trouve parfois, que le statut privilégié était réservé à la ville, le territoire rural et les autres agglomérations restant pérégrins.

    [22]Nous en connaissons la date, et le contexte, par Tacite, XI, XXIII-XXV.

    [23]Tac.Ann., XV, XXXII.

    [24]Pline l’Ancien., III, 30.

    [25]Les oppida ignobiliaqu’il évoque en fin de liste ne s’opposent pas aux oppida latina. Il s’agit de ceux qu’il juge de trop peu d’importance pour qu’il soit utile de citer leurs noms (ignobiliss’oppose à nobilis, connu, et n’a pas de sens moral), mais qui n’en sont pas moins latins. Le prouve la comparaison avec le passage sur l’Espagne, où il distingue parmi les oppidaqu’il ne nomme pas selon les statuts.

    [26]Elles représentent un crocodile, qui semble une allusion à conquête de l’Égypte  par César Octavien en 30, avec son portrait et une légende (Imp(erator) Divi f(ilius))qui ne lui donne pas le nom d’Auguste, qu’il a reçu en 27.

    [27] A. Chastagnol, Considérations sur les municipes latins du premier siècle après J.-C., dans L’Afrique dans l’Occident romain, Rome (Coll. EFR, 134), 1990, p. 351-65, repris dansId., La Gaule romaine et le droit latin, Lyon (De Boccard), 1995, p. 73-87.

    [28]TaciteHistoires, IV, LXII et LXXI. J’ai eu l’occasion de dire dans E. Lyasse, Obsequium cum securitate. Une vision de l’impérialisme romain au livre IV des Histoiresde Tacite, Ktèma, 32 (2007), p. 519-34, pourquoi cette mention me paraissait crédible. 

    [29]Voir, pour une liste apparemment exhaustive, et une analyse plus développée, A. Chastagnol, Le problème de la diffusion du droit latin dans les Trois Gaules et les Germanies, dans Id., La Gaule romaine et le droit latin…, p. 181-90.

    [30]Les Annales allaient de la mort d’Auguste en 14 à (apparemment) celle de Néron en 68. Ont été perdus les livres consacrés à une partie du règne de Tibère, la totalité de celui de Caligula et le début de celui de Claude, la fin de celui de Néron. Les Histoires, écrites d’abord, commençaient avec Galba et allaient apparemment jusqu’à la mort de Domitien en 96 : il n’en reste que le cinq premiers livres, avec seulement le tout début du règne de Vespasien. On note d’ailleurs que Tacite ne dit rien de l’octroi du droit latin à l’Espagne, que Pline lie à la guerre civile de 69, soit qu’il en parle plus tard dans un livre perdu, soit que cette question ne l’intéresse pas.

    [31]On ne peut bien sûr avoir de certitude, vue l’absence de sources sur ces questions après Pline l’ancien. Le fait que, dans sa liste, Nîmes est latine contrairement aux deux autres.